Résonance Jean-François Mathé et Alexandre Anizy
C'est un pur moment de poésie : créés avec plus de 30 ans d'écart (1), deux poèmes de Jean-François Mathé et Alexandre Anizy nous paraissent en résonance de par la couleur de l'ambiance et le ton du décor.
Avant la suite
J'ai mis du rouge aux lèvres des mots
et je suis sorti dans la rue livide
à l'heure où les chiens se disputent
des lambeaux de clair de lune,
à l'heure où l'on entend les pas
de ceux qui vont fusiller
s'ils trouvent un fusil.
Des prostituées ont embrassé
les lèvres rouges de mes mots
puis me les ont rendues
en me disant que mieux valait
les poser sur les lèvres de femmes
qui serrent la nuit dans leurs bras
à défaut d'amant ou d'enfant.
Jean-François Mathé
La vie atteinte (éditions Rougerie, 2014)
Iceberg (2)
Au zinc d'un rade glauque
Une femme usée s'accroche
Elle a les cheveux en broussaille
Et le visage boursouflé
Par l'alcool et les nuits blanches
Tu l'imagines
Gros lot de la tombola des malheurs
Ce soir elle cherche de la chaleur humaine
En complément du soupirail
Elle a la voix éraillée des gens
Qui subissent leurs identités
Cette femme est un iceberg
Dont tu ne connaîtras qu'une partie infime
Alexandre Anizy
Lumières froides (éditions ARC, novembre 2015)
(1) Concernant le poème de Jean-François Mathé, nous faisons l'hypothèse d'une conception en 2010.
(2) Poème écrit vers 1978.