Mostarghia de Maya Ombasic

Publié le par Alexandre Anizy

            Inexorablement, la diaspora yougoslave émet des répliques littéraires de l'explosion balkanique, qui nous rappellent l'horreur de la guerre civile aux portes de l'Europe, comme disaient les planqués de Bruxelles. Maya Ombasic y met aussi beaucoup de talent dans son Mostarghia.

 

 

            Laissons-lui la parole, même si sa mémoire est parfois défaillante (ou bien est-ce une coquille ?) : en 1984, c'est la Coupe d'Europe, et non pas le Mundial.

 

            « Ce sportif de haut niveau, fierté de la famille, s'est finalement éteint à l'âge de 39 ans. Durant la coupe du monde de foot de 1984, il avait fait partie de la sélection yougoslave. Dès ses 13 ans, il était devenu l'idole de toute une ville avec cet inoubliable but marqué de la tête, alors que le Velež de Mostar jouait contre l'Etoile rouge de Belgrade. Mais il avait laissé le foot derrière lui, dans son pays dévasté par la guerre et les nationalismes. Pour nourrir sa famille, il travaillait dans une usine de chips. Depuis quelque temps, il se plaignait d'une douleur dans le dos que tous les médecins mettaient sur le compte de ses muscles trop sollicités. Quand on lui a découvert un cancer grave, tu as arrêté de parler pendant plus d'une semaine. Semir et toi, vous passiez des nuits blanches à boire et à parler de votre incurable mostarghia. (...) J'ai observé, bouleversée, la longue déchéance d'un mythe : Semir était le héros de mon enfance, l'homme parfait, le cousin généreux qui ressemblait à Tom Cruise dans "Top Gun" et faisait rêver toutes les filles. La fleuriste de la rue Notre-Dame, dépassée par la demande, m'appelait deux fois par jour : que devait-elle inscrire sur tous ces bouquets dont on lui passait commande de partout dans le monde ? (...) Ta voix [celle de son père] éteinte à l'autre bout du fil : « Tu cherches encore ? » Comment le savais-tu ? Je constate une fois de plus que nous sommes connectés par des liens invisibles, et cette proximité m'effraye. « Ecris ceci : les étoiles retournent aux étoiles. » Le téléphone m'en tombe presque des mains. C'est exactement ce que je ressens. Dans la poésie que tu incarnes, tu te montres léger et inattendu, profond et juste. Et c'est souvent quand tu es le plus détestable que tu viens tout racheter en passant du côté du soleil. » (p.108/164)

 

            Pour avoir un aperçu des affres de l'exil, vous pouvez lire Mostarghia : c'est un récit éloquent. En une phrase il résume le bordel encore inachevé :

            « En un mot : les problèmes de la Fédération yougoslave transposés sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. » (p.53/164)

 

 

            Et dire que le milliardaire philosophe Bernard-Henri Lévy, et Kouchner le médecin atlantiste mais pas si humanitaire que cela, ont œuvré à leur manière multiculturelle à la prolongation de la douleur yougoslave pour satisfaire leur besoin permanent de publicité.

 

 

Alexandre Anizy  

Publié dans Notes culturelles

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