Monitocratie et téléocratie : l'exemple suisse du 10 juin 2018

Publié le par Alexandre Anizy

            Le peuple suisse exprimera sa volonté sur la monnaie le 10 juin 2018.    

 

 

            Au royaume de France, où règnent l'esprit cartésien et des us peu démocratiques, une telle initiative populaire est aujourd'hui impossible : d'une part parce que la Constitution ne le permet pas ; et d'autre part parce que l'élisphère sonnerait la charge contre un projet si insensé, partout dans les médias qui lui appartiennent... Pensez donc : décider par référendum qui aura le pouvoir de créer de la monnaie.    

 

            Que demande cette initiative "monnaie pleine" ? Séparer les activités bancaires de la création de monnaie, dont la Banque Centrale aurait l'apanage. C'est une politique économique radicale au pays de la finance mondialisée.

            Nous ne discuterons pas de cette mesure en soi. Le lecteur se fera une idée en lisant nos anciens billets ci-dessous :

http://www.alexandreanizy.com/article-la-creation-de-monnaie-doit-redevenir-une-fonction-regalienne-95827279.html ;

Et par souci de modération (Suisse oblige, avec un rien de malice),

http://www.alexandreanizy.com/article-31551778.html

 

            Ce qui nous importe aujourd'hui, c'est souligner la possibilité d'une démocratie, quand la représentative a montré l'étendue de son incapacité. Trois exemples :

― en France, le rejet du résultat du référendum de 2005 par la clique européiste (Sarkozy de Nagy Bocsa, Hollande, et alii) ;

― en Grèce, en 2015, la forfaiture du politicien Aleksis Tsipras ;

― en Australie, le 16 avril 2018, Michael Gunner, chef du gouvernement du Territoire du Nord, lève unilatéralement le moratoire de 2016 sur la fracturation hydraulique pour exploiter dès 2019.

Ce qui nous importe également, c'est qualifier l'initiative populaire et le référendum helvétiques.

 

            Une partie des citoyens, suffisamment significative pour valider la procédure, ayant sans doute compris l'impossibilité de leurs gouvernants à échapper au lobby bancaire, a lancé cette initiative. Cette action est monitocratique (1), puisqu'elle vise à contourner les élus ― ce qui est plus positif et plus efficace que de les admonester ― à partir du constat d'une situation bloquée. Le référendum quant à lui est un acte téléocratique (2) : quel que soit le résultat, les citoyens suisses auront eux-mêmes configuré le "noyau dur" de leur économie, à savoir la monnaie.  

 

            Un régime démocratique est forcément téléocratique et monitocratique : l'important, c'est la composition du mélange. Celui de la Suisse mérite notre intérêt.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

(1) Le terme monitocratie est inventé par Jérôme Perrier (Alain ou la démocratie de l'individu, éditions Les Belles Lettres, octobre 2017, page 303) pour synthétiser "la démocratie de contrôle" prônée par Alain.

(2) Ibidem. Dans une téléocratie pure, l'élu aurait un mandat impératif (i.e. agir strictement selon le projet politique qu'il a présenté aux citoyens). Dans une monitocratie pure, l'élu aurait une délégation de pouvoir accompagnée d'un exercice permanent de contrôle et de réprimande par les électeurs.