L'harmonie silencieuse de Ron Rash
Dans les Appalaches, l'ordre brutal de l'économie de marché règne et c'est la main invisible du shérif qui contient la fureur.
Un bidon de carburant déversé intentionnellement dans une réserve de poissons va permettre au shérif Les d'éviter une injustice grâce à son obstination, de mettre les affaires au net pour un passage de témoin en douceur, de payer une dette personnelle. C'est tout cela que Ron Rash raconte dans Le silence brutal (Gallimard, collection noire, 2019), en mêlant délicatement deux styles :
« Je m'assieds sur un sol qui fraîchit, bientôt humide de rosée. Près de moi une charrue à versoir abandonnée de longtemps. Des lianes de chèvrefeuille enroulent leurs verts cordons, des fleurs blanches accrochées là comme de petites ampoules de Noël. J'effleure un manche qu'ont poli rotations de poignet et suantes étreintes. Le souvenir des mains de mon grand-père, rondes de cals et aussi lisses que des pièces de monnaie usées. » (p.6/191) ;
« Je n'arrivais déjà plus qu'en milieu de matinée, laissant Jarvis Crowe, mon successeur, s'habituer à faire tourner la baraque tout seul. Une semaine tranquille, donc. Mais quand je débarquai le lundi au bureau, Ruby, notre répartitrice de jour, m'apprit qu'il n'en serait rien. » (p.8/191)
La quête de la pureté n'est-elle pas la mère de tous les vices ? Il apparaît de nos jours que Le Vatican et ses confrères en savent beaucoup sur le sujet.
Alexandre Anizy