OTAN : on continue comme avant dit l'Etat-Major des Armées
Le général Thierry Burkhard, nouveau chef d’état-major des armées, présente aujourd’hui sa « vision stratégique » devant les députés de la Commission de Défense. Hélas, rien de nouveau sous les képis ! A leurs décharges, il est vrai que le chef exécutif de la Ligue libérale-radicale dirige tout sous la Ve république.
Le général Burkhard a développé devant la presse une formule, plutôt qu’un concept : gagner la guerre avant la guerre. De quoi s’agit-il ? Le triptyque paix, crise, guerre ne colle plus au temps présent, a fortiori au proche avenir. Il n’y a plus de phases de paix, mais des phases de compétition, puis de contestation pouvant aboutir à l’affrontement.¹ La compétition est en fait multidimensionnelle : informationnelle, économique, juridique, spatiale, diplomatique, militaire… La France, tout en cherchant à éviter l’affrontement, doit être capable d’agir dès la phase de compétition.¹
Rien vraiment de neuf, puisque le général Vincent Desportes écrivait déjà en 2008 : « Plutôt que de rechercher la compétition sur le champ d'affrontement de la haute-vitesse et de la brièveté dominé par les forces occidentales, l'adversaire probable investit les luttes politiques longues et les bras de fer psychologiques ; il planifie sur des décennies et évite notre bataille parce qu'il n'a nul besoin de victoire tactique. » L'adversaire va opter pour des « stratégies de contournement dans les espaces où il peut lutter à armes égales, l'infosphère et l'espace humain où se modèle donc la guerre probable ».²
C’est sous Barak Obama que l’Empire américain a compris la menace chinoise et décrété la guerre multidimensionnelle. Ainsi, avec l’affaire des sous-marins australiens qui n’est qu’un épiphénomène de cette lutte, la France vient de recevoir un camouflet. Comme a dit le général américain Hagee, « le succès dépendra moins de notre capacité à imposer notre volonté que de notre aptitude à modeler les comportements, des amis, des adversaires et, ce qui est plus important, de la population »³. (C’est nous qui soulignons) Le modelage fonctionne bien, puisque comme nous l’avons immédiatement écrit dans une note (lire ici ), la France persistera à miser stupidement sur l’OTAN, cet outil américain de sous-traitance : l’état-major des armées indique Il ne faut pas lâcher pour la coopération avec les Américains et au sein de l’OTAN.⁴
On peut donc dire que, comme Gamelin, Thierry Burkhard habille de jolies formules les vieilles lunes.
Ah ! Il y aurait un vent de fraîcheur dans les crânes de l’état-major ! Le recours à des sociétés privées (…) n’est pas officiellement un sujet sur la table à ce stade pour le chef d’état-major des armées. Mais d’aucuns savent, au sein des milieux de la défense, que derrière la guerre avant la guerre la question se pose avec acuité.⁴ Dit autrement, on va privatiser partiellement la défense des intérêts et de la souveraineté française.
C’est une extension du domaine de la prédation, un « progrès » qui ne peut que plaire au bankster Macron.
Alexandre Anizy
(¹) Mots du général Burkhard repris ou reformulés par Nicolas Barotte dans le Figaro du 5 octobre 2021.
(²) Général Vincent Desportes, La guerre probable – penser autrement, Economica, 2ème édition 2008, pages 35 et 36. Lire notre billet sur ce livre :
http://www.alexandreanizy.com/article-la-guerre-probable-selon-vincent-desportes-116031869.html
(³) Cité par Vincent Desportes, page 36.
(⁴) Elise Vincent, dans l’imMonde du 6 octobre 2021.