Coeur de Jules Supervielle

Publié le par Alexandre Anizy

Coeur

 

Suffit d'une bougie

Pour éclairer le monde

Autour duquel ta vie

Fait sourdement sa ronde,

Coeur lent qui t'accoutumes

Et tu ne sais à quoi,

Coeur grave qui résumes

Dans le plus sûr de toi

Des terres sans feuillages,

Des routes sans chevaux,

Un vaisseau sans visages

Et des vagues sans eaux.

 

Mais des milliers d'enfants

Sur la place s'élancent

En poussant de tels cris

De leurs frêles poitrines

Qu'un homme à barbe noire,

― De quel monde venu ? ―

D'un seul geste les chasse

Jusqu'au fond de la nue.

 

Alors de nouveau, seul,

Dans la chair tu tâtonnes,

Coeur plus près du linceul,

Coeur de grande personne.

 

Jules Supervielle

(Oeuvres poétiques complètes, La Pléiade)

 

 

Publié dans Notes culturelles

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