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"Où on va papa" de Jean-Louis FOURNIER

Publié le par Alexandre Anizy

En 2008, les dames du Femina ont attribué leur Prix à Jean-Louis FOURNIER pour « où on va, papa ? » (Stock, 155 pages, 15 €) : on ne peut que les en féliciter.

Ce n’est pas un roman, mais l’épure d’une relation père – enfants racontée sobrement par touches anecdotiques.

 

« Un père d’enfant handicapé doit avoir une tête d’enterrement. Il doit porter sa croix, avec un masque de douleur. Pas question de mettre un nez rouge pour faire rire. Il n’a plus le droit de rire, ce serait du plus parfait mauvais goût. » (p.39)

 

Bien que le sujet soit délicat, Jean-Louis FOURNIER a réussi son livre très personnel : bouleversant et drôle.

Laissez-vous embarquer dans le voyage de papa …

 

Alexandre ANIZY

Critique de la théorie des après-guerres de Peter SLOTERDIJK

Publié le par Alexandre Anizy

(Suite des 6 notes précédentes portant le titre « Allemagne et France vus par Peter SLOTERDIJK »)

 

Disons d’emblée que nous comprenons la difficulté de l’exercice : présenter une théorie complexe dans le laps de temps d’une conférence officielle relève un peu de la gageure. Il s’agit donc pour nous de souligner les lacunes ou les points faibles de la théorie.

  

La faute à Napoléon

Cette partie est séduisante, mais elle contient une grave lacune : il nous paraît difficile de démontrer que Napoléon a freiné l’évolution économique et sociale, par conséquent démocratique, de la Russie tsariste.

Le prétendre relèverait plus du gadin philosophique que d’un survol historique planant.   

 

La métanoïa ratée de la France

Cette partie mérite d’être encore développée, notamment parce que la réponse de SLOTERDIJK, quand on lui parle du climat de repentance généralisé sévissant en France, est loin d’être satisfaisante : « Vu de l’extérieur, on a plutôt l’impression que l’autocritique à la française est une comédie superficielle et que le chauvinisme de base n’a jamais été ébranlé. » ‘(Point du 18 décembre 2008 : propos recueillis par Elisabeth LéVY)

« La France est dangereuse car elle porte toujours en elle les germes de la guerre civile, et on ne sait jamais comment l’explosion se reproduira. » (Point, ibid.) Cette affirmation de SLOTERDIJK ne remet-elle pas en cause toute la démonstration sur la « dénapoléonisation » de la relation franco-allemande et ne contredit-elle pas la conclusion de sa conférence ?

 

La réussite métanoiétique de l’Allemagne

L’Allemagne a réussi sa métanoïa. Mais si SLOTERDIJK doute de la sincérité des repentances françaises, force est de constater qu’il ne s’interroge jamais sur une éventuelle hypocrisie allemande. La subjectivité du propos étant par trop évidente, il conviendra donc de nuancer les formulations de l’exposé théorique.

D’ailleurs SLOTERDIJK anticipe la critique : « On peut avoir l’impression que (…) le bilan métanoiétique que je tire penche de manière unilatérale en faveur de la partie allemande, la France étant blâmée (…) » (p.75)

Mais « je ne voudrais pas réfuter cette impression », répond-il simplement.

En guise de conclusion, nous disons que cette théorie contient des prémisses intéressantes et des intuitions fulgurantes, soutenues par un verbe parfois caustique. Néanmoins, pour l’étayer, il conviendrait d’étoffer le travail de recherche, insuffisant à ce stade.


Alexandre ANIZY

Allemagne et France vus par Peter SLOTERDIJK (VI)

Publié le par Alexandre Anizy

(Suite des 5 notes précédentes)

 

L’heureuse prise de distance : perspective polémologique 

Pour Peter SLOTERDIJK, il existe une distance mentale entre les deux pays. « Après 1945, les Français et les Allemands n’ont cessé, de facto, de s’éloigner les uns des autres d’un point de vue culturel et psycho politique, alors qu’au niveau des relations plus officielles, ils trouvaient une nouvelle amitié, salutaire pour les deux parties. J’affirme à présent que ces deux faits, la prise de distance et l’amitié nouée, ne signifient au fond qu’une seule et même chose. » (p.78)

A Reims en 1962, ADENAUER et DE GAULLE ont paradoxalement négocié la désimbrication des deux nations, c'est-à-dire la fin d’une sur-relation fatale, d’« une forme politique de magnétisme animal », qui commença en septembre 1792 à Valmy qui « fut le prélude contenu à cette ère des masses qui débuta avec l’invention française de la mobilisation générale. » (p.81)

« Les Français avaient été les premiers-nés de la nouvelle dynamique de masse et, en s’en servant pour submerger l’Europe, ils lui donnèrent une leçon qui fit effet pendant 150 ans. » (p.81)

 

Pour SLOTERDIJK, le livre « Achever Clausewitz » de René GIRARD apporte réellement une nouveauté dans la réflexion sur la France et l’Allemagne « dans la mesure où il tente d’élucider le mystère d’une fascination pathologique réciproque » (p.82) : chez CLAUSEWITZ, il montre l’imitation jalouse de Napoléon pour essayer de rendre reproductibles les succès du bellicisme révolutionnaire français.

SLOTERDIJK esquisse un pas de plus que GIRARD :

« A côté de l’imitatio Napoleonis, c’est surtout l’imitatio revolutionis qui, du point de vue de la dynamique affective et de l’idéologie, allait agir dans les dimensions les plus grandes et les plus dangereuses, en Allemagne et bien au-delà. » (p.83) Ainsi Karl MARX serait « le point de condensation le plus élevé des jalousies allemandes provoquées par la France ». (p.83)

« Toute l’œuvre de MARX confirme la thèse énoncée par Heinrich HEINE : là où les Allemands se mêlent des affaires françaises, celles-ci montent d’un palier dans l’universalité, l’acharnement et la dévastation. » (p.84), ce que GIRARD appelle, avec CLAUSEWITZ, « la montée aux extrêmes ».

Dans le coup de maître de René GIRARD, SLOTERDIJK regrette l’absence d’une théorie des médias, comme véhicules de la mimétique dangereuse.

 

Pour clore sa conférence, SLOTERDIJK affirmait : « Si les Allemands et les Européens ont un conseil à donner au reste du monde (…) : faites comme nous, ne vous intéressez pas trop les uns aux autres ! » (p.88)

 

Alexandre ANIZY

Allemagne et France vus par Peter SLOTERDIJK (V)

Publié le par Alexandre Anizy

(Suite des 4 notes précédentes)

 

La normalisation de l’Allemagne

Ce pays « peut commencer à récolter les fruits de ses efforts métanoiétiques. Il a regagné la confiance de ses voisins – si l’on fait abstraction de quelques dépôts toxiques en Angleterre et en Pologne où se reproduisent obstinément, comme sous vide, les affects antiallemands (…) » (p.60) L’élection d’un pape allemand (Joseph RATZINGER) le 19 avril 2005 est une expression de la « ratification du processus politico-moral » et un patronyme allemand peut dorénavant être le symbole de l’intégrité (tenons pour insignifiante la corruption au sein des groupes Siemens et Volkswagen : n’est-ce pas une règle commune des affaires mondialisées ?).

Peter SLOTERDIJK met en exergue le cas de Martin WALSER, parce qu’il parla le premier dans les années 1980 de la réunification allemande comme d’une option souhaitable, et parce qu’il affirma en 1998 que l’Allemagne pouvait « prendre de la distance avec certains rituels pseudo-métanoiétiques extériorisés » (comme le rappel de la Shoah utilisée comme une « massue morale »).

De fait, aujourd’hui, l’Allemagne est entrée dans une phase de normalisation : « l’idiot de la famille européenne » évolue vers l’égoïsme politique normal, dont la France est un exemple.

 

Il demeure un point sensible : la redéfinition des fonctions militaires. Parce qu’ils ont commis des crimes, les Allemands auraient une « prétention supérieure à vivre dans un monde sans guerre. Il en résulte un syndrome de la faiblesse arrogante qui ne pourra pas résister aux épreuves à venir. » (p.76)

« Dans ce segment basique du réajustement du decorum culturel », la normalisation pourra-t-elle survenir, s’interroge Peter SLOTERDIJK.

 

Alexandre ANIZY

Allemagne et France vus par Peter SLOTERDIJK (IV)

Publié le par Alexandre Anizy

(Suite des 3 notes précédentes)

 


L’échec de la France
 

Concernant la France, « (…) l’issue de la guerre des Gaules déclenchée pour l’appropriation politique et idéologique de la Libération est aujourd’hui définitivement tranchée. » (p.50) et l’héritage structurel gaulliste recèle une autonomie non dénuée de danger.

Diantre ! Qu’en est-il ?

« Mais le plus préoccupant est le potentiel hystérogène qui découle de la liaison entre le présidentialisme et le populisme médiatique – un potentiel auquel DE GAULLE, nietzschéen politique et illusionniste au service du tout, avait déjà eu recours, et qu’il avait utilisé avec virtuosité. » (p.51)

 

La gauche française, en peu de temps, a sombré dans une quasi insignifiance. Pour ce qui est de la « nouvelle nullité théorique du camp de gauche en France », elle intéressera sans nul doute les historiens. Pour SLOTERDIJK, l’ « implosion du champ de gauche en France » est « un phénomène [qui] constitue bien l’effondrement final du système pseudo-métanoiétique avec lequel la gauche française avait su se procurer de fausses victoires et des souverainetés fantomatiques sur le champ agité des affects et des discours de l’après-guerre. » (p.53-54)

 

Ainsi, selon cette théorie, la France aurait manqué son après-guerre : « Même affadi, l’héritage du gaullisme constitue « un risque incalculable pour l’Europe (…) », et la décomposition intellectuelle est patente.

 

Alexandre ANIZY

Allemagne et France vus par Peter SLOTERDIJK (III)

Publié le par Alexandre Anizy

(Suite des 2 notes précédentes)


1945 : la métanoïa en Allemagne

« ADENAUER symbolise le côté pragmatique et quotidien du travail métanoiétique en Allemagne. » (p.45) Durant cette phase historique, une réorientation morale est allée de pair avec la reconstruction des villes. SLOTERDIJK donne quelques moments-clés :

  • 19 octobre 1945, à Stuttgart, la confession de culpabilité par le Conseil de l’Eglise évangélique ;
  • L’accord sur les réparations conclu entre l’Allemagne Fédérale et Israël en 1952 ;
  • Le traité d’amitié franco-allemand à Reims en 1962 ;
  • Le chancelier Willy BRANDT s’agenouillant devant le monument du ghetto de Varsovie, le 7 décembre 1970 ;
  • L’inauguration du monument berlinois commémorant l’assassinat des Juifs d’Europe, le 10 mai 2005.

 

Bien sûr, l’Allemagne a connu elle aussi ses éruptions, l’émergence de « maîtres-penseurs ayant l’apparence du politique », « une nouvelle version du fascisme de gauche qui, pour faire diversion, se donna le nom d’antifascisme », mais « (…) l’orientation fondamentale du travail que nous avions à accomplir (…) [restait] imperturbablement tourné vers la mission consistant à réévaluer et à réviser le decorum allemand traditionnel (…) ». (p.49)

 

En bref, l’Allemagne aurait réellement entrepris sa métanoïa.

(A suivre …)

 

Alexandre ANIZY

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