Lorsqu'il se donne la peine de réfléchir, le directeur de l'Institut de haute finance Philippe Dessertine arrive à écrire des articles percutants, allant jusqu'à critiquer l'establishment financier. Cela ne dure pas, évidemment, mais au moins il en est capable.
Relire par exemple nos notes :
http://www.alexandreanizy.com/article-16358916.html ;
http://www.alexandreanizy.com/article-la-grande-purge-selon-philippe-dessertine-45551886.html .
Mais le 12 février, dans le Figaro(titre : "renoncer à l'euro serait une erreur"), il rentre dans le rang de la doxa économique, si tant est qu'il l'eût quitté, en racontant un peu n'importe quoi.
« L'anarchie monétaire se traduit par des tensions sur les matières premières, se répercutant sur les populations les plus pauvres de la planète. La Tunisie et l’Égypte sont les premières retombées politiques de telles situations. »
Si on prend le cas tunisien, il nous semble que tout a commencé par l'immolation d'un marchand ambulant que les flics ripoux persécutaient … Est-il sérieux de laisser entendre que la misère du peuple, qui ne date pas de 2007, serait en dernière analyse une retombée de l'anarchie monétaire ? Non.
« La crise gigantesque commencée en 2007 n'a qu'une origine : la dette folle, inouïe, émise année après année (...) ».
Il nous semble que, même chez les tenants de la théorie dominante, il est acquis qu'il s'agit d'une crise systémique. Quand l'obsession financière devient pis que des œillères …
L'abandon de la monnaie unique serait un non-sens : explication ? Non.
Ce serait une double démission :
le refus d'assumer l'austérité (seule mesure pour corriger les excès) ;
une dérobade.
Comme les médecins de Molière, Dessertine adore les saignées, et si ce remède ne fonctionne pas, c'est forcément que la saignée n'a pas été suffisamment appliquée … Passons donc sur "la seule mesure", car ce serait un vaste débat que le professeur Dessertine n'ouvre pas, pour nous attarder sur la "dérobade", car le financier ose cette comparaison :
« Ce serait un reniement [en particulier pour la France], renvoyant aux plus sombres heures de son passé, Munich 1938, quand par lâcheté, pour préserver un confort égoïste, nous avions piétiné les traités signés. »
Il convient de dire que l'argument de la dérobade ne renvoie en rien à la théorie économique. Pas plus que celui de "manque de courage".
Quant au "Munich 38", c'est en réalité le suivisme français dans l'aventure allemande d'aujourd'hui qui constitue "un lâche soulagement".
« (…) mais au plus fort de la tempête, il [l'euro] a protégé les pays d'Europe, et le reste du monde, d'une dislocation complète du système économique international. »
Affirmation totalement gratuite que Philippe Dessertine aurait bien du mal à démontrer scientifiquement.
En résumé, Philippe Dessertine se comporte dans le débat économique comme les pires éléments de la doxa intellectuelle. Mais le plus navrant, c'est qu'il ignore les leçons d'économie de ses propres maîtres en libéralisme*.
Alexandre Anizy
* : nous pensons en particulier au prix Nobel français Maurice Allais.