Pour mieux occulter leur adhésion à la globalisation néolibérale, les questions de l'identité et de la laïcité seront en tête de gondole de tous les néoconservateurs en lice pour la Présidentielle 2017, alors qu'il s'agit tout bonnement du contrat social.
Comme le "prix Nobel d'économie" Joseph Stiglitz découvre tardivement les avantages de l'encadrement du crédit :
« Voici un mécanisme qu'un pays quittant la zone euro, ses restrictions et ses cadres juridiques pourrait utiliser. D'abord la banque centrale (l'Etat) met aux enchères [les "nouveaux keynésiens" adorent le marché et donc les enchères... ] les droits d'émission des nouveaux crédits. Les montants de ce crédit s'ajoutent à "la monnaie" qui se trouve au sein du système financier. L'envergure du crédit net que ce système autorise à ajouter chaque mois sera déterminée par la banque centrale du pays, sur la base de son évaluation de la situation macroéconomique - autrement dit, si l'économie est plutôt faible, elle fournira davantage de crédit pour la stimuler. » Extrait de son livre L'euro : comment la monnaie unique menace l'avenir de l'Europe (éditions Les Liens qui Libèrent, septembre 2016, 25 €), cité par Marianne du 9 septembre 2016 ;
Bienfaits de l'informatisation en plus, l'américain Stiglitz revisite l'encadrement du crédit comme l'apprenaient les étudiants dans le manuel remarquable du professeur Raymond Barre...
« [L'encadrement du crédit] est la forme la plus rigoureuse d'action globale sur le crédit : les autorités monétaires fixent le maximum des concours qui peuvent être accordés par les banques, ou déterminent le taux de progression des encours de crédit pendant une période déterminée. » Raymond Barre, Economie politique, tome 2, chapitre "la politique monétaire" pages 386 à 409 (PUF, 9ème édition, 3ème trimestre 1980) ;
En bref, le retardataire Stiglitz préconise en 2016 (mais mieux vaut tard que jamais, n'est-ce pas ?) ce que nous demandions déjà en 2011 :
http://www.alexandreanizy.com/article-la-creation-de-monnaie-doit-redevenir-une-fonction-regalienne-95827279.html
après avoir contribué à la victoire hégémonique du néolibéralisme dont le Nouveau Keynésianisme n'est qu'une variante, le philosophe empiriste Yves Michaud reformule quant à lui Jean-Jacques Rousseau, avec modération dit-il, dans son livre Contre la bienveillance (Stock, avril 2016, 180 pages, 18 €), parce que :
« Si nous voulons que le mot citoyen garde le sens qu'il a pris depuis les théories du contrat social, il nous faut en finir avec la bienveillance, la compassion et le moralisme, et revenir aux conditions strictes de l'appartenance à une communauté républicaine, revenir aux conditions strictes du contrat politique. » (p.16)
Les événements terroristes qui ont ensanglanté la France montrent « que la communauté politique peut être détruite au nom du fondamentalisme religieux par des membres de cette communauté politique même » (p.19) : le meurtre est un mode d'action assumé. Comme autrefois dans la secte des Assassins (1), les nouveaux fanatiques peuvent recruter sur leurs territoires dans une population conditionnée, policièrement dominée. Mais en France, si on se réfère à l'étude de l'Institut Montaigne (2), ce sont 28 % des musulmans qui « adhèrent à des croyances religieuses directement opposées aux principes démocratiques, à commencer par leur adhésion à la charia, loi religieuse de compétence universelle et non territoriale qui s'opposent de manière catégorique au droit positif des sociétés démocratiques » (p.24), et qui forment un vivier significatif pour les prédateurs.
Révélant la déliquescence de l'intégrité républicaine, l'expression faire société fait florès : « cette expression informe et insaisissable qui dit si bien l'absence d'engagement » (p.27). Or, dans une aédie (3) démocratique, c'est à dire un espace historiquement, économiquement et politiquement défini, on ne devrait pas devenir citoyen par le simple fait d'avoir un certain âge : un acte d'adhésion aux principes démocratiques devraient être nécessaire, marquant ainsi le contrat social.
« Comment peut-on trouver normal de persécuter les adeptes de l'église de Scientologie et de tenir sous surveillance les sectes d'allumés (...) et, dans le même temps, tolérer les anathèmes contre les mécréants, les appels au meurtre, la diffusion de la propagande salafiste (...) » (p.32)
Si on s'accorde volontiers avec Yves Michaud pour dire que « quasiment toutes les religions sont obscurantistes, intolérantes et antidémocratiques » (p.30), on admet aussi que :
« C'est en effet un des concepts-clés de notre conception de la vie politique qui est remis en cause par le fondamentalisme islamique : celui du contrat social. » (p.36)
« Les théories du contrat social ne sont pas toutes des théories de la démocratie, mais elles ont un point commun essentiel : elles définissent toutes la souveraineté comme émanant du peuple se constituant en Commenwealth ou Res publica ― quelle que soit la manière dont cette souveraineté est ensuite déléguée et est exercée par un agent souverain effectif. » (p.40) Les atteintes à la souveraineté par les revendications religieuses disent formellement, à des degrés divers, le refus d'adhérer avec une volonté d'autonomie absolue, mais pas de sécession parce qu'il est appréciable de prendre tous les avantages de la Res publica.
Ne pas remédier à cette situation, c'est laisser proliférer les ferments de la discorde : à terme, c'est la guerre de tous contre tous.
« La seule réponse viable est donc de revenir, comme les pensées contractualistes, à un concept fort et rationaliste, à un concept robuste de la souveraineté, et à une conception forte et rationaliste des conditions d'appartenance à la communauté, notamment pour tout ce qui concerne les ferments religieux de dissolution. » (p.50)
Les Transformateurs doivent aussi remettre en chantier le contrat social, pour que le citoyen soit un agent engagé et non pas un bénéficiaire passif de droits. C'est l'expression réelle de la volonté consciente de l'individu qui fait le citoyen, et non pas la nationalité.
N.B. : le concept de nation n'a pas de consistance, puisque le sentiment d'appartenance ne peut être mesuré scientifiquement ; ce concept n'est pas non plus pertinent parce qu'il échappe à toute définition sociale. Sur ce sujet, on peut lire le livret de Gérard Noiriel : Qu'est-ce qu'une nation ? (Bayard, 2015, 105 pages, 14 €).
C'est la centralité du contrat social qui exprime en permanence la volonté générale, condition de la souveraineté.
Alexandre Anizy
(1) Lire le roman de Vladimir Bartol : Alamut (Phébus, 2012, 13,80 €).
(2) Etude publiée dans le Journal Du Dimanche du 18 septembre 2016. Quelques chiffres : les musulmans représentent 5,6 % de la population de la métropole (mais 10 % des moins de 25 ans) ; 75 % des musulmans sont Français (dont 50 % de naissance), 30 % ne vont jamais à la mosquée, et 28 % ont « un système de valeurs clairement opposé aux valeurs de la République » (compte tenu de la méthode employée pour l'enquête, la marge d'erreur pour un sous-ensemble est de l'ordre de 8 points).
(3) Nous préciserons notre concept d'aédie dans un prochain ouvrage.