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Nouvelles réjouissantes de Franz Bartelt

Publié le par Alexandre Anizy

            Franz Bartelt nous régale encore une fois : il faut le lire sans modération.

 

 

            A la fin de 2016, Gallimard a publié une nouveauté dans la blanche (disponible en livrel) : Comment vivre sans lui ? C'est un ensemble de nouvelles concoctées par le "mal-aymé" ardennais Franz Bartelt, qui s'en donne à coeur joie pour notre plus grand bonheur. Cela ne l'empêche pas de nous servir quelques observations à méditer, comme :

« Pour être heureuse auprès d'un homme, songeait-elle, mieux vaut posséder des rudiments de mécanique mentale, un bon niveau de contrôle émotionnel et une science consommée des ruses les plus innommables. » (p35/181)

 

            Sur la place de Vouziers se dresse une statue d'Hippolyte Taine : que penserait-il du style de Franz Bartelt ? A quelques kilomètres de là, nous pensons que l'homme aux semelles de vent applaudirait l'artiste.  

 

Alexandre Anizy

Perro muerto de Boris Quercia

Publié le par Alexandre Anizy

            Tant de livres comme celui de Boris Quercia méritent le cimetière des rejets.

 

 

            L'auteur, qui a de multiples casquettes, doit être du genre à sauter au cerveau du spectateur en le plaçant au coeur d'une action, comme le font si bien les cinéastes américains. Dans Tant de chiens (éditions Asphalte, 2015, en livrel), cela donne :

« Plusieurs pistolets mitrailleurs nous tirent dessus et les balles ricochent de partout, je suis planqué dans un cagibi où sont entreposées des bouteilles de gaz et les balles me sifflent aux oreilles. »

La suite est du même tonneau : style sobre et direct, actions, érotisme de bon aloi, quelques réflexions désolantes sur l'ordre des choses, par exemple  

« Si on apprend une chose en étant flic, c'est que les pères sont de vraies merdes dans ce pays [Chili. ndAA]. Ils fourrent leur bite et disparaissent. L'autre chose, c'est qu'ici personne ne paie pour ses fautes, à moins d'être pauvre. Mais ça ne compte pas, les pauvres paient toujours, ici comme ailleurs. » (p184/197), 

bonne structure narrative jusqu'au chapitre 43 (p188/197) où Boris Quercia salope son ouvrage, ayant peut-être une autre commande à honorer pour nourrir une deuxième maison ?

 

            No vale la pena comprar Perro muerto porque el trabajo no ha acabado.

 

 

 

Alexandre Anizy

 

L'albatros selon Anise Koltz et Anizy

Publié le par Alexandre Anizy

Anise Koltz  

 

Je suis un messager

sans message

un chanteur ambulant

sans chanson

 

Je traîne ma nostalgie

de ville en ville

j'ai oublié

la nouvelle que j'apporte

 

Je ne sais pas chanter

je suis un messager

sans message

comme le vent

 

                        (dans Somnambule du jour, Gallimard poésie)

 

 

 

Alexandre Anizy

 

Je suis un ouvrier sans travail

L'auguste chômeur de vos matins givrés

Un chanteur qui décade

Un railleur qui déraille

Ô folle intelligence

Un polémiste sans talent

Le dernier des arrivistes

Un homme sans dieu sans maître

Sans passion

Un dada qui déraisonne

Un jongleur de mots

Qui fait ses pitreries

Un misogyne sans aucun doute

Un poète réaliste

Qui crache sur tout

En bref

Un type sans illusion

Telle est ma définition

 

                        (dans Lumières froides, éditions ACT, 2016)

Moins ignorants avec Etienne Davodeau

Publié le par Alexandre Anizy

            Pour entrapercevoir le travail d'un viticulteur et d'un dessinateur, le roman graphique d'Etienne Davodeau est remarquable.

 

 

            Pendant qu'Aurian était à la recherche du n°234 d'un manga méga culte, nous balayions du regard les rayons BD d'une grande librairie quand soudain Les ignorants fixèrent notre attention : le titre et la couverture, ou inversement. Etienne Davodeau et son éditeur Futuropolis (août 2016, 268 pages) ont frappé fort !

            Le dessin ? Il se place quelque part entre Tendre violette de Servais (le Noir & Blanc de 1982) et le style de Cabu, c'est vous dire le niveau du bonhomme !

            Le scénario ? Davodeau se met au service du vigneron Richard Leroy pour vivre son travail afin de pouvoir le raconter : c'est un magnifique projet ... réussi ! Vous saurez tout sur la taille de la vigne en plein vent d'hiver, sur le chai, etc. Le chapitre 6 consacré à la biodynamie (ce fut sans doute un moment délicat du récit...) est vraiment bien ficelé : après l'avoir lu, vous admettrez qu'il est temps pour les consommateurs de congeler leurs cartes de crédit devant les produits pesticidés !

NB : à l'hectare, ce sont les vignes qui reçoivent le plus de saloperies, qui finissent dans nos verres.

 

            Mais comme cette expérience est un échange entre deux artisans, on en apprend autant sur les Salons du vin que de la bande dessinée, autant sur les domaines que sur les œuvres. Alors en route pour de nouvelles découvertes !

 

 

 

 

Alexandre Anizy

 

Les haies de Jean-Loup Trassard

Publié le par Alexandre Anizy

Comment apprécier le récit du paysan Jean-Loup Trassard ?

Evidemment il faut aimer, voire connaître un peu la campagne pour se délecter des propos de Jean-Loup Trassard dans L'homme des haies (en poche Folio et en livrel). En fait, il raconte une vie provinciale et surtout une expérience professionnelle sur 22 hectares.

Que de choses vous apprendrez ! Le paysan dans la négociation commerciale, le maquignon faisant son marché, la conduite des chevaux, l'élevage de la mère, le meilleur moment pour moissonner, la lieuse puis l'arrivée de la moissonneuse, la gestion des ressources humaines... non, là on blague ! En ce temps-là, on parlait du personnel, en l'occurrence des commis. Bref, l'auteur mayennais livre un savoir-faire, et même ses secrets pour un bon cidre !

« A barbeyer je trouvais des manches, sur les haies il y a souvent des bouées de queude, alors quand je voyais dedans une trique bien droite, je la coupais au sermiau, si c'était en automne, quand la sève est descendue, parce qu'il ne faudrait pas couper des manches au printemps, ils ne se garderaient pas, et puis en m'en allant je l'emmenais avec mes outils.

C'est toujours bon d'avoir des manches d'avance, j'aimais bien ça et je continue. Lui [c'est son fils, qui ne jure que par le tracteur et tutti quanti], il n'a jamais emmanché un outil de sa vie, il sait que je m'en occupe, mais les machines ne feront pas tout, il faudra bien des outils ! » (p.39/152)

Ce tailleur de haies (il goûtait cette tâche, aux temps précédant le grand remembrement du ministre Edgar Pisani) attache une grande importance aux manches des outils, qu'il préfère confectionner lui-même, parce qu'un manche trop gros, trop lourd, pas assez lisse, mal ajusté, ça fatigue inutilement l'homme, et il en raconte les étapes de la fabrication. Pour ses instruments, il apprécie le noisetier, que nous déconseillons aux apprentis bûcherons qui voudraient faire leurs haches (prenez plutôt du frêne ou du foyard).

Ah ! la chasse ! Mais ce gars-là abandonne au bout de 3 années où il n'aura pas fait de mal au gibier. Les lecteurs écolos n'auront donc pas d'excuses !

Alexandre Anizy