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Pas la dalle chez Fred Vargas

Publié le par Alexandre Anizy

            Avec cette autrice, on lit à sa faim.

 

Nous étions en froid avec Fred Vargas (lire ici ), mais son nouvel opus Sur la dalle (Flammarion, 17 mai 2023, en livrel¹) la remet à son niveau, mis à part le titre faiblard : à ce compte-là, pourquoi pas « dans le foyard » ?

 

Alexandre Anizy  

 

(¹) Ayant dû changer très souvent la taille de police pour ne pas en perdre des bribes, nous ne félicitons pas Flammarion pour la qualité du produit, encore moins le sous-traitant Pixellence pour la fabrication.

Emotion de Nakahara Chûya

Publié le par Alexandre Anizy

Emotion d’un soir de printemps

 

Cesse la pluie, souffle le vent.

 Les nuages passent, cachent la lune.

Messieurs dames, ce soir est un soir de printemps.

 Très tiède, souffle le vent.

 

Je ne sais quel profond soupir,

 Je ne sais quelle lointaine vision,

S’éveille, et pourtant insaisissable.

 A quiconque, indicible.

 

C’est une chose à quiconque

 Indicible, et pourtant, justement,

N’est-ce pas ce qu’on dit être la vie ?

 Et pourtant, inexplicable…

 

Ainsi, les hommes, seul à seul,

 Sentent avec leur cœur, et s’ils se regardent,

Se sourient gentiment, mais c’est tout.

 Et ainsi donc, s’en va leur vie !

 

Cesse la pluie, souffle le vent.

 Les nuages passent, cachent la lune.

Messieurs dames, ce soir, est un soir de printemps.

 Très tiède, souffle le vent.

 

Nakahara Chûya

(Poèmes, traduction de Yves-Marie Allioux, éditions Philippe Picquier, poche, 2018)

De Pessoa à Montaigne

Publié le par Alexandre Anizy

Presque anonyme tu souris,

Le soleil dore tes cheveux.

Ah, pourquoi donc, pour être heureux,

Est-ce qu'il faut n'en rien savoir ?

 

Fernando Pessoa

(Pléiade, Oeuvres poétiques)

 

Nous reviennent alors les mots de Montaigne :

Jamais homme n'est donc heureux puisqu'il ne l'est qu'après...

 

 

La gemme d'Ali Cobby Eckermann

Publié le par Alexandre Anizy

            Vient le temps du renouveau poétique : l’exemple Eckermann.

 

            Il nous semble que partout dans le monde les lecteurs sont lassés des romans sortis des fabriques d’écriture, des pleurnicheries autofictionnelles, des choses écrites sans âme ni souffle. Ah ! La chaîne, forcément. Ils peuvent alors se tourner vers la poésie, si elle ose déborder du formalisme qui la cadenasse depuis si longtemps.

            Ruby moonlight d’Ali Cobby Eckermann (éditions Au vent des îles, 1er trimestre 2023, traduction de Mireille Vignol), qui illustre notre propos, est un récit poétique du massacre des aborigènes et d’un amour impossible. En voici deux extraits.

 

Embuscade

 

crac

crac

crac

crânes

corps

cœurs

clan massacré

mourants

mourants

morts

 

En quelques mots qui claquent, cognent, saignent, on y baigne…

 

Tempo

 

lever de soleil

passent les jours

coucher de soleil

 

les feuilles se transforment

passent les semaines

les étoiles se décalent

 

le soleil s’adoucit

passent les mois

l’air se rafraîchit

 

     l’hiver revient

 

Ali Cobby Eckermann

Ruby moonlight. Un roman sur l’impact de la colonisation en Australie du Sud dans les années 1880.  

 

Leçons du poète Jacques Réda

Publié le par Alexandre Anizy

            Jacques Réda est lorrain et il aime les arbres ; alors il est naturel que nous le rencontrions, même tardivement.  

 

       Achevé d’imprimer par Floch à Mayenne en janvier 2023 (éditions Gallimard), Leçons de l’arbre et du vent est le dernier recueil du poète Jacques Réda, dont la ligne poétique fait écho à la nôtre dans Uniterrien ( editions-abak.com , 2023).

            Picorons allègrement.

 

Désormais,  profaner semble un devoir du prêtre. (p.22)

 

Si l’Arbre écrit souvent un poème admirable,

Solitaire ou dans l’épaisseur d’une forêt,

C’est que le sol était d’avance favorable.

(…)

Les arbres ont trouvé leur trajectoire entière

Inscrite dans le plan global de l’univers,

A l’inverse de notre engeance condamnée,

Toujours plus hardiment, année après année,

A le combattre pour survivre. Ainsi les vers… (p.42)

 

A la chasse du vrai, nous allons donc d’erreur

En erreur, en progrès fomentant des ravages.

(…)

Pour tempérer l’effet de ma dernière strophe,

Et faire un sort à mon statut de vieux ronchon,

J’ajouterai que l’homme est peut-être un bouchon

Apte à flotter de catastrophe en catastrophe. (p.48)

 

Un dernier souffle, pour la route…

 

Moi qui ne suis pas plus coupable que les autres

Mais pas moins, je demande à tant de bons apôtres

Qui nous avaient promis un monde sans défauts,

De revoir leur copie où presque tout est faux  ̶ 

La santé, le confort, l’euphorie éternelle  ̶ ,

Bonimenteurs dont on connaît la ritournelle,

Sans pour autant vouloir engager un débat.

A quoi bon ? (p.84)