Les archaïques des Banques Centrales IV

Publié le par Alexandre Anizy

(Lire notre note I du 21 novembre 2007 « Les archaïques des Banques Centrales », note II du 30 novembre, note III du 11 décembre)

 
Les banques centrales suivent les évolutions de la demande intérieure, du crédit, de l’emploi, pour estimer l’évolution de l’inflation, comme aux temps des économies fermées.

« En réalité, les liens entre crédit, demande, emploi, inflation et salaires se sont énormément distendus dans les grands pays de l’OCDE. »  (Patrick ARTUS, « les incendiaires. Les banques centrales dépassées par la globalisation », édition Perrin août 2007, p.53)  

 
En effet, les importations sont en mesure de répondre vite à une augmentation de la demande intérieure : autrement dit, les tensions sur les marchés du travail et des biens, consécutives à une hausse de la demande intérieure, disparaissent puisque les importations satisfont les besoins sans inflation.

 
Pourtant, les Banques Centrales n’ont pas changé leurs techniques d’analyse et continuent de s’attribuer les lauriers, dans un monde globalisé, pour la baisse de l’inflation grâce à « leur crédibilité ». On rêve.

La FED mène une analyse sur des bases strictement domestiques (lire les déclarations de son Président Bern BERNANKE) ; la BCE remonte ses taux à partir de 2005, au vu de certains indicateurs domestiques favorables, alors qu’il n’y a pas de reprise économique dans la zone euro.

 

Précisons les choses.

La FED a dit qu’elle surveillait l’inflation sous-jacente, c'est-à-dire en excluant les prix de l’énergie et de l’alimentation.

La BCE semble (avec cette citadelle, jouissant d’une liberté totale, la clarté n’est pas toujours au rendez-vous) suivre l’évolution de l’inflation totale : c’est une grave erreur d’analyse économique (lire note III).

« La concentration de la BCE sur l’inflation totale, et non sur l’inflation sous-jacente, est donc inexplicable. » (Patrick ARTUS, idem, p.60) 

 
Il faut compléter par le retour de l’analyse monétaire, parce que la croissance trop rapide de M3 (c'est-à-dire l’ensemble des liquidités) et du crédit au secteur privé indiquerait un retour de l’inflation.

Or une telle analyse démontre que les changements économiques et monétaires (la globalisation) n’ont pas été pris en compte : en effet, parce que les marchés financiers (nouveaux instruments, nouveaux acteurs) ont évolué, parce que la culture financière a progressé, les épargnants et les investisseurs font des choix d’investissement et de portefeuille de plus en plus sophistiqués.

« Il n’y a donc plus de lien rigide stable entre la masse monétaire (M3) et la production, donc les prix, puisque la masse monétaire n’est qu’un élément parmi les autres, de poids variable, dans les choix de portefeuille. » (Patrick ARTUS, ibid., p.61)

 
Le tableau sera complet si on ajoute la médiocrité de l’analyse du lien entre monnaie, crédit et inflation.

Les banques centrales pensent qu’elles doivent réagir, si la distribution de crédit s’accélère, en durcissant la politique monétaire. C’était vrai, disons il y a 20 ans : plus de crédit (donc M3 en hausse) donne plus de demande, et si l’appareil de production est quasi saturé, cela aboutit inéluctablement à plus d’inflation.

« Mais dans les économies contemporaines, le supplément de crédit se porte sans aucune difficulté sur les produits importés et ne génère ainsi aucun risque inflationniste domestique. » (Patrick ARTUS, ibid., p.63)

 

En lisant ARTUS, on a vraiment l’impression que ceux qui dirigent les banques centrales, notamment l’euro imperator TRICHET, ne savent pas que nous vivons dans une économie mondialisée.

 

Alexandre Anizy

 
A suivre … les archaïques des Banques Centrales V