Les archaïques des Banques Centrales V
(Lire notre note I du 21 novembre 2007 « Les archaïques des Banques Centrales », note II du 30 novembre, note III du 11 décembre, note IV du 20 décembre)
La question de la coordination des politiques structurelles (budget, fiscalité, marché du travail, etc.) et de la politique monétaire se pose bien, notamment dans la zone euro, puisque les réformes structurelles (déréglementation des marchés des biens et du travail – initiée par le démocrate CARTER, rappelons-le ici) ont été réalisées aux Etats-Unis dans les années 80.
Depuis 1995, les gains de productivité dans la zone euro varient autour de 1 %, parce que l’investissement productif est insuffisant (notamment dans les nouvelles technologies), parce que les gains de productivité dans les services (financiers, distribution, aux entreprises) sont faibles, parce que les dépenses de Recherche et Développement sont insuffisantes, parce que les efforts pour l’Enseignement supérieur sont insuffisants.
De 2000 à 2005, la productivité par tête aux Etats-Unis est supérieure à celle de la zone euro de 2,2 points par an. Les dépenses de Recherche et Développement représentent 2,7 points du PIB aux Etats-Unis et seulement 1,8 dans la zone euro : 75 chercheurs pour 10.000 emplois aux Etats-Unis pour seulement 29 dans la zone euro ; 21.000 dollars dépensés par étudiant aux Etats-Unis pour seulement 10.000 dollars dans la zone euro. Il n’y a donc pas de mystère concernant l’écart des gains de productivité entre les Etats-Unis et la zone euro.
Face à la détérioration des finances publiques, les gouvernements sont enclins à augmenter la pression fiscale indirecte : en 1997, le Japon a élevé le taux de TVA de 2 points, l’Allemagne de 3 points en 2007.
L’expérience japonaise montre que les résultats sont négatifs voire catastrophiques, puisqu’on obtient : hausse des prix et baisse de la demande intérieure, défauts d’entreprises aboutissant à une crise bancaire, chute des prix des actifs (actions, immobilier).
Une politique de restriction budgétaire couplée à une stimulation de la demande serait plus judicieuse. S’inspirer de l’exemple suédois où les dépenses publiques sont passées de 72 % à 60 % du PIB. Mais dans un tel cas de baisse forte des dépenses publiques et de l’emploi, il faut contrecarrer la contraction de la demande, et par conséquent la baisse de l’activité, par une expansion monétaire. En Suède, durant cette période de réformes structurelles, le taux d’intérêt à court terme passe de 11 % à 4 %, et le taux de change de la couronne suédoise par rapport au mark allemand chute de 30 %.
Pour réussir le changement, il faut impérativement agir simultanément sur les politiques structurelles et les politiques monétaires. Or, la BCE jouit d’une indépendance totale grâce au Traité fondateur, et l’euro imperator TRICHET y veille, comme le mari jaloux étouffe sa conjointe.
« Cette définition « étendue » de l’indépendance exclut donc la coordination entre la politique monétaire et les politiques de réforme structurelle. » (Patrick ARTUS, « les incendiaires. Les banques centrales dépassées par la globalisation », édition Perrin août 2007, p.70)
Dans l’état actuel des mentalités et des rapports de force, nous constatons que la zone euro est dans une impasse économique.
Alexandre Anizy
A suivre … les archaïques des Banques Centrales VI