Les archaïques des Banques Centrales VII
(Lire notre note I du 21 novembre 2007 « Les archaïques des Banques Centrales », note II du 30 novembre, note III du 11 décembre, note IV du 20 décembre, note V du 27 décembre, note VI du 28 décembre 2007)
Selon Patrick ARTUS, dans son livre « les incendiaires. Les banques centrales dépassées par la globalisation », édition Perrin août 2007, 14,80 €), il existe 3 biais de comportement dangereux des banques centrales.
Aversion chronique pour l’expansion monétaire et l’expansion du crédit
Observons les années 2004-2007.
Aux Etats-Unis, le ralentissement attendu de la croissance dû notamment à la baisse d’activité de construction (mises en chantier chutent de 20 % à la mi-2006 par rapport au pic de 2005 ; stock de maisons invendues croît fortement depuis 2004, i.e. 4 millions au lieu de 2 millions ; le prix des maisons est en baisse à partir de l’été 2005) n’a pas freiné la hausse du taux des Feds Funds (taux d’intervention de la FED) jusqu’à la fin de 2006.
Dans la zone euro, la BCE a monté ses taux directeurs pendant toute l’année 2006, malgré les menaces qui pèsent sur la croissance en 2007 : ralentissement de l’activité américaine, retournement prévisible des taux d’intérêt américain, baisse du dollar par rapport à l’euro, politique budgétaire de restriction notamment en Allemagne et en Italie, dépendance de la croissance au crédit aux ménages (donc forte sensibilité aux taux d’intérêt), progression du pouvoir d’achat quasiment nulle.
Au Japon, dès le printemps 2006, la BC a piloté une hausse des taux courts et longs en réduisant la base monétaire. Pourtant, l’indice des prix publié durant l’été 2006 révèle une inflation négative (hors énergie) !
« Ces 3 banques centrales ont semblé dans la période récente très pressées de sortir d’une politique monétaire expansionniste » (Patrick ARTUS, idem, p.108)
Dangers d’un objectif d’inflation pour la stabilité financière mondiale
L’objectif d’inflation est de plus en plus consensuel dans l’économie globalisée. De quoi s’agit-il ?
A partir de ses hypothèses (prix du pétrole, croissance mondiale, etc.) et de sa politique monétaire, la banque centrale prévoit une inflation future. Comme la BC a un objectif d’inflation, elle ajuste sa politique monétaire pour faire coïncider « inflation future » et « objectif d’inflation ».
Cela signifie que la BC considère que le meilleur indicateur avancé de l’inflation future est sa propre prévision.
Si on observe les statistiques, l’inoculation d’une dose d’humilité à ces banquiers savants s’impose.
Bon nombre de BC contrôle l’inflation domestique sans se préoccuper du taux de change : il faut croire qu’elles partent du principe que le choix de l’objectif d’inflation est une pierre philosophale qui va mettre à bas les problèmes de déséquilibres monétaires et financiers, les déviations du taux de change, les problèmes de balance des paiements. Ce qui est faux bien entendu.
Prenons l’exemple des pays émergents.
Croissance forte, insuffisance des capacités de production, absence de concurrence : autant d’éléments qui créent la pression inflationniste. En réponse, les BC mènent une politique monétaire restrictive, qui va peser sur l’investissement (donc le développement) et attirer les capitaux étrangers alléchés par les taux d’intérêt qui montent, ce qui aboutit à une hausse du taux de change, i.e. une baisse de la compétitivité à long terme.
Le cas du Brésil est typique : la BC maintient des taux d’intérêt réels de 10 % (début 2007), ce qui réduit la croissance (à peine 3 % !) et apprécie la devise de 100 % en 4 ans.
Les rentiers adorent le Brésil.
Souffrance des pauvres lors d’un durcissement monétaire
Prenant l’exemple du Royaume-Uni, Patrick ARTUS fait le constat suivant :
Les inégalités de revenus se sont accrues depuis 1995, sous Tony BLAIR, au profit d’une petite minorité ;
Les bonus de la City représentent 2 % du PIB en 2007 ;
En 2005, 95 % des crédits hypothécaires sont signés par des Britanniques aisés.
Alors, quand la Banque d’Angleterre augmentent ses taux d’intérêt, ces gens-là continuent à consommer et à acheter des biens immobiliers, et comme le poids de cette classe fortunée pèse lourdement sur le niveau de l’activité économique, la même Banque d’Angleterre, penaude, constate que l’inflation perdure…
Mais au Royaume-Uni, comme les crédits immobiliers sont à taux variables, la hausse des taux courts décidée par la BA provoque immédiatement la montée des intérêts payés : le nombre de Britanniques en situation de faillite personnelle, i.e. incapables de payer le service de leur dette) est multiplié par 3 entre la fin de 2004 et le début de 2007.
Si la politique monétaire de la BA n’a pas freiné l’inflation, elle a placé un nombre important de Britanniques modestes dans de graves difficultés financières.
Pour conclure aujourd’hui, on peut dire qu’en focalisant leur politique monétaire sur la stabilité des prix, les BC obtiennent les résultats suivants :
Casse des reprises économiques ;
Instabilité des taux de change ;
Accroissement des inégalités sociales.
Avec un tel bilan, il est difficile de « penser positif ».
Alexandre Anizy
A suivre … les archaïques des Banques Centrales VIII