Les archaïques des Banques Centrales VIII

Publié le par Alexandre Anizy

(Lire notre note I du 21 novembre 2007 « Les archaïques des Banques Centrales », note II du 30 novembre, note III du 11 décembre, note IV du 20 décembre, note V du 27 décembre, note VI du 28 décembre 2007, note VII du 2 janvier 2008)

 
Nous concluons ici avec Patrick ARTUS en donnant quelques éléments de réponse pour le dessein d’une banque centrale idéale.

 
Alors qu’aucune institution publique déterminant une politique n’est indépendante, celle qui gère la monnaie (au sens large) est indépendante et elle est en charge uniquement de la stabilité des prix : ce type d’organisation institutionnelle monétaire est anormale. Même si on admet que cette forme organisationnelle était pertinente dans les années 70 et 80, force est de constater qu’elle est aujourd’hui dépassée, voire nuisible à l’intérêt général.

 

Dans la zone euro, dans les années 60 et 70, les pays participaient à la bataille des taux de change : la création de l’euro a mis un terme à cette pratique. Mais la guerre économique a-t-elle cessée ? Non.

Par exemple, l’Allemagne pratique une lutte par les coûts de production, qui associe le secteur privé (baisse massive des coûts salariaux) et le secteur public (transfert des charges sociales vers la TVA dont on augmente le taux normal de plusieurs points), afin de gagner des parts de marché. C’est assurément une politique nationale non coopérative.

Mais contrairement à la guerre des taux de change, la lutte par les coûts de production aboutit, toutes choses égales par ailleurs, à la déflation.

 

Dans le cas des Etats-Unis, il est certain que la FED du temps de Paul VOLCKER se devait de mener une politique restrictive pour faire redescendre l’inflation.

« Aujourd’hui, la politique budgétaire des Etats-Unis montre parfois des déficits publics très importants, mais il s’agit en fait d’une politique très contracyclique, et les déficits se réduisent rapidement lorsque l’activité redémarre. On peut évidemment critiquer les déficits extérieurs des Etats-Unis mais on ne peut pas les attribuer à la politique budgétaire. Ils sont dus à une politique monétaire qui, ayant laissé monter (ou fait monter) les prix des actifs, a laissé persister une situation de taux d’épargne des ménages très faible (même négatif) » (Patrick ARTUS, « les incendiaires. Les banques centrales dépassées par la globalisation », édition Perrin août 2007, p.129)

 
L’argument qui veut que les BC indépendantes soient un rempart contre les errements inflationnistes des gouvernements ne tient plus.

 

Si l’inflation sous-jacente (i.e. hors énergie et matières premières) est faible, quelle politique pour la BC ?

 
« Il faut, en l’absence d’inflation, un autre objectif final que la croissance, qui puisse rentrer en conflit avec l’objectif de croissance, avoir une importance économique, et conduire au choix d’un taux d’intérêt optimal qui ne soit pas seulement le plus bas possible. A quoi peut-on penser ? D’une part au taux de change, d’autre part au prix des actifs et au crédit. (…) Si le taux de change ne peut pas être l’objectif concurrent du taux de croissance, il reste les prix des actifs et le crédit. (…) on peut très bien imaginer pour les banques centrales un objectif mixte inflation/crédit – prix de l’immobilier. » (Patrick ARTUS, idem.131 et 132)

 

Quelle responsabilité pour la BC ?

 
« Pour qu’il puisse y avoir responsabilité, il ne peut pas y avoir indépendance d’objectif (…). La responsabilité implique donc que l’objectif de la banque centrale soit défini en accord avec le gouvernement ou le Parlement, que le respect ultérieur de cet objectif soit alors examiné, et que la banque centrale dispose de l’indépendance sur les instruments (elle est libre de mettre en œuvre les politiques monétaires qu’elle juge les plus efficaces pour réaliser l’objectif fixé conjointement). »  (Patrick ARTUS, ibidem, p.135)

 
« (…) les caractéristiques d’une banque centrale idéale : elle aurait une multiplicité d’objectifs choisis avec le gouvernement et le Parlement ; elle serait transparente et responsable du respect de ses objectifs et de la qualité de ses analyses (…). » (Patrick ARTUS, ibid., p.139)

                                                           

 
Nous l’avons souligné dès la 1ère note sur les archaïques des banques centrales : Patrick ARTUS, malgré le titre provocateur de son livre, n’a rien d’un économiste « révolutionnaire » ou ultralibéral.

Bien au contraire, et c’est pourquoi la finesse de son analyse étayée par des faits et des chiffres incontestables, la qualité de sa démonstration, et la sagesse de ses propositions, nous ont semblé dignes d’intérêt :

« Nous ne défendons pas l’idée qu’il faut faire disparaître les banques centrales, mais plutôt qu’il faut revenir aux origines. (…) il faudrait que les banques centrales se posent des questions qui sont assez voisines de celles du XIXème siècle : quelle est la bonne quantité de liquidité ? Où sont les risques (dans les banques, les marchés financiers) ? Comment réagir à temps aux crises ? »   (Patrick ARTUS, ibid., p.161)

 

Alexandre Anizy