Récession : Daniel COHEN pour un renouveau sur des bases saines
Faisons-nous aujourd’hui l’avocat du Diable !
Après tout, pourquoi les tenants de la théorie économique dominante refusent-ils de laisser l’économie partir en vrille, alors qu’ils ne cessent de prôner le laisser-faire quand tout va bien ? Cette contradiction ne les gêne toujours pas aujourd’hui comme hier : il est vrai que les profits des grandes sociétés et les avoirs des grandes familles en souffriraient beaucoup.
Question théorique : en luttant contre la récession, les économistes ne s’opposent-ils pas à un phénomène endogène du capitalisme et ne s’opposent-ils pas à la « destruction créatrice » ?
« Ce processus de Destruction Créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme : c’est en elle que consiste, en dernière analyse, le capitalisme et toute entreprise capitaliste doit, bon gré mal gré, s’y adapter. » Joseph SCHUMPETER (« Capitalisme, socialisme et démocratie », éditions Payot 1983, page 117)
La récession, selon Daniel COHEN (professeur d’économie à l’Ecole Normale Supérieure), « permettrait d’apurer les comptes, de provoquer des faillites salutaires et de repartir sur des bases assainies. Ce n’est pas pire que de poursuivre cette fuite en avant. » (Libération 19 janvier 2008)
Voilà un économiste que le concept schumpétérien de destruction créatrice ne doit pas rebuter.
Mais de quelle fuite en avant parle-t-il ?
« Les Américains vivent avec un taux d’épargne négatif depuis 12 ans. Cela ne peut pas durer éternellement. » (Libération, idem)
N’importe quelle ménagère de moins de 50 ans (et plus aussi) en conviendra, et si ce n’est pas le cas, son banquier saura lui faire entendre raison !
Remarquons néanmoins que le banquier Alan GREENSPAN n’était pas effarouché par le taux d’épargne négatif des Américains : ça laisse rêveur, n’est-ce pas ?
Il s’agit du cycle infernal que le boss de la FED voulait stopper : crise financière, baisse des taux, constitution de bulles, éclatement des bulles provoquant une crise financière etc.
« (…) dans un mouvement sans fin de correction d’un déséquilibre par un autre. Cette perpétuation de la croissance par le surendettement est très dangereuse. » Daniel COHEN (Libération, ibidem)
Les Etats-Unis (Gouvernement et FED) venant d’opter pour la relance économique par un accroissement de leur déficit budgétaire et par une baisse des taux, nous sommes loin du processus naturel de destruction créatrice et sans doute loin du retour aux bases saines chères à Daniel COHEN qui pronostique avec le scénario actuel :
- Baisse du dollar ;
- Euro toujours plus fort ;
- Croissance faible pour les pays dont le dynamisme dépend des exportations, comme l’Allemagne par exemple.
Si le dollar chute, la BCE fortement inspirée par les intérêts allemands (lire nos notes du 3septembre 2007 et 12 janvier 2008 ) saura baisser ses taux.
Si la FED change sa politique, l’Europe aura également le krach mais sans effondrement du dollar.
Si l’Europe reste à l’abri de la récession, elle connaîtra une croissance au mieux de 2 % (prévision de l’OCDE) : la France sera-t-elle dans la fourchette basse allant de 1 à 1,5 % ?
Daniel COHEN n’écarte pas cette possibilité. Il regrette par conséquent « (…) que le gouvernement a préféré dégager 1 % de PIB pour son paquet fiscal. Les conséquences de cette politique à contresens risquent de peser longtemps. (…). (…) et les ardeurs réformistes du gouvernement anéanties par l’aggravation des finances publiques.»
Nous approuvons sans réserve cette critique.
Enfin, sourions avec Daniel COHEN :
« Je trouve cocasse qu’on ait opté pour un dispositif très avantageux d’heures supplémentaires au moment où ces dernières vont stagner voire décliner, en raison du ralentissement de la croissance. Tout cela aura coûté très cher et n’aura strictement servi à rien. »
A rien pour les salariés, nous sommes d’accord.
Alexandre Anizy