Kosovo (I) : l'équilibre européen miné
Dimanche 17 février 2008, Le KOSOVO a proclamé son indépendance : il souhaite entrer aux Nations Unies, adhérer à l’Union Européenne et obtenir les crédits qui vont de pair.
La Serbie a déjà déclaré que cette sécession était illégale : ses griefs seront présentés au Conseil de Sécurité de l’ONU.
Pour comprendre l’antagonisme entre les Albanais du Kosovo et les Serbes, nous vous indiquons 2 ouvrages.
D’abord, un mémoire de l’IEP Grenoble (1995) intitulé « la question du Kosovo » : c’est un travail universitaire de qualité, avec une bibliographie pour ceux qui veulent approfondir le sujet.
Dans cet ouvrage, vous découvrirez que l’Histoire a fait de cette région le creuset de 2 nationalismes antagonistes. Par exemple, « les Albanais ne se joignent pas aux soulèvements des populations contre les Ottomans. Ils luttent contre les avancées des Serbes en Métochie [moitié sud-ouest de ce qu’on appelle le Kosovo, ndaa] et se battront contre eux sur le front de Salonique (1916-1917). La résistance armée persistera jusqu’en 1924. Cette résistance est connue sous le nom de mouvement kacak. (…) Le but du mouvement était de rattacher le Kosovo et la Métochie à l’Albanie. (…) Les Albanais allaient après 1924 se replier sur eux-mêmes, s’enfermer dans leur communauté. Les conflits agraires et les discriminations subies attisaient la haine entre les ethnies. » (Chapitre 1.2.2.)
Durant la Seconde Guerre mondiale, les Albanais se rangèrent du côté des Italiens. « On estime que la milice volontaire albanaise Vulnetari qui groupait à peu près 5.000 hommes, assistée par les diverses formations paramilitaires, aurait exterminé 10.000 Serbes en 4 ans. (…) L’un des leaders albanais les plus influents, Feratbey Draga proclama la purification ethnique triomphalement en 1943 : « L’heure est venue de détruire les serbes … Il n’y en aura plus sous le soleil de Kosovo. » Parallèlement on tenta de recoloniser massivement le Kosovo en installant des familles venues d’Albanie sur les propriétés des Serbes qui avaient été expulsés. Ce processus se fit d’ailleurs selon un plan des autorités italiennes. » (Chapitre 2.1.1.)
100.000 Serbes chassés, 75.000 colons albanais : le Kosovo a connu pendant la guerre un profond bouleversement ethnique, qui influencera son destin après-guerre.
En conclusion, les auteurs écrivaient en 1995 : « La « satanisation » des serbes et la simplification à l’extrême du conflit [yougoslave, ndaa] joue contre les intérêts serbes. (…) La question du Kosovo est indissociable de la question de l’éclatement de la Yougoslavie, (…). Il est fort probable que la guerre, qui a commencé au Kosovo, finira au Kosovo. »
L’autre source sera le livre d’entretien d’Ibrahim RUGOVA (un leader de la contestation albanaise au Kosovo) « la question du Kosovo » (Fayard mai 1994, 261 p., 110 FRF) On sort de ce livre avec le sentiment que rien ne rattache les Albanais du Kosovo (soit environ 90 % de la population) à la Serbie.
Dans son livre « l’effondrement de la Yougoslavie » (éditions de L’âge d’homme 1994, 174 p.), Dobrica COSIC (prononcer Dobritsa Tchossitch) écrivait : « Notre politique au Kosovo est dépourvue de perspective. Ce n’est, au fond, qu’une politique policière menée à la manière des communistes monténégrins. La force et la corruption en sont les principaux instruments. » (p. 124)
A Belgrade, a-t-on trouvé une perspective depuis cette année-là ?
Dans un article fort intéressant (Figaro 11 décembre 2007), Jean-Pierre CHEVèNEMENT soulignait les dangers de l’indépendance du Kosovo.
« Faut-il indéfiniment encourager au fractionnement, aux divisions, à la scissiparité, célébrer la mise en place de nouvelles frontières, alors qu’au même moment on exalte le dépérissement des identités nationales et l’ensevelissement dans le grand tout ? »
Après la chute du mur de Berlin et l’effondrement du bloc communiste, l’ordre en Europe est fondé sur un principe élémentaire : le respect des frontières existantes sauf à les modifier par consentement pacifique.
Ce n’est pas le cas pour le Kosovo.
« Va-t-on tout jeter bas ? (…) Souhaite-t-on vraiment se donner un nouveau prétexte de solide et bonne brouille avec la Russie ? », interrogeait Jean-Pierre CHEVèNEMENT.
Alexandre Anizy