Laurent HENRY et Philippe Alexandre POUILLE : l'élection organise une aristocratie
Toujours après ces élections municipales, un détour du côté de 2 chercheurs en démocratie : Laurent HENRY et Philippe-Alexandre POUILLE.
Ils ont signé un article dans Libération (10 mars 2008) au titre évocateur : « l’élection organise une aristocratie ».
Cet article commence, pour ainsi dire, par un « On croit tout savoir de la démocratie (…) ». C’est un bon début. Passons à l’origine.
« La démocratie athénienne avait pour fondement pratique l’usage du tirage au sort, la rotation rapide des charges, la reddition des comptes, l’impossibilité d’exercer de multiples fois la même charge, la rémunération de l’activité politique, l’amateurisme, c'est-à-dire la non-division du travail politique. »
« L’élection était réservée à la désignation des généraux et des magistratures financières. »
« ARISTOTE lie clairement démocratie et tirage au sort, alors qu’il associe élection et aristocratie. On retrouve ces associations chez MONTESQUIEU et ROUSSEAU (…). »
Ce sont de bonnes piqûres de rappel.
Les acteurs des révolutions françaises et américaines ont imaginé un régime dit de gouvernement représentatif, issu d’une élection, nécessaire pour 2 raisons : un principe du droit romain (« ce qui touche tout le monde doit être considéré et approuvé par tous »), une méthode de sélection d’une aristocratie.
Après juin 1848, comme en 1789, le tirage au sort n’est pas évoqué. « L’élection est précisément un outil de sélection et de présélection. (…) L’élection organise une aristocratie. »
L’article 3 de notre Constitution stipule notamment :
« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. »
Pourtant, l’opposant d’opérette Pierre MOSCOVICI, membre de cette aristocratie, déclarait le 4 février 2008 avant le vote du Congrès pour modifier la Constitution en vue de la ratification du Traité de Lisbonne (la Constitution européenne recyclée) : « je voterai selon mes convictions ».
Ce député a donc exercé la souveraineté de ses convictions, et non pas celle du peuple qui a refusé cette constitution européenne par référendum.
A-t-il failli à ses devoirs ? Non. Parce que la Constitution ne prévoit aucun contrôle des représentants par les citoyens : entre 2 élections, l’aristocratie a les mains libres.
« Le régime représentatif n’est pas la démocratie. (…) Rien ne nous oblige (…) à continuer de croire en la souveraineté du peuple, de croire que le peuple se gouverne lui-même. »
Ces 2 chercheurs prônent donc un retour aux principes démocratiques.
Question : pourquoi ces 2 chercheurs n’ont-ils pas cité les travaux de Jacques RANCIERE ? (lire notre note du 29 mai 2007 « la haine de la démocratie »)
Alexandre Anizy