Sur la route de la servitude avec la Cour de Justice Européenne (II)
Dans notre note du 1 février 2008 portant le même titre, nous vous parlions des arrêts Viking et Laval rendus par la Cour de Justice Européenne, pour en dire le mal qu’il fallait en penser. Vous pensez bien que cette institution bien protégée ne s’est pas arrêtée à mi-chemin.
Le 3 avril 2008, l’arrêt Rüffert condamne le Land de Basse-Saxe parce qu’il voulait appliquer à une entreprise polonaise une loi qui oblige entreprises de travaux publics à respecter la convention collective du secteur dans le cas de passage de marchés publics : le patron polonais refusa de le faire en ne payant à ses ouvriers que 50 % du salaire minimum prévu par la dite convention collective.
Quand la fameuse Directive BOLKENSTEIN, avec « son plombier polonais », se fait jeter par la porte du Parlement européen, elle revient par la fenêtre de la Cour de Justice.
Comme l’écrit Pierre KHALFA (secrétaire national de l’Union syndicale Solidaires ; membre du conseil scientifique d’Attac) dans Libération : « Dans les 3 cas, l’argumentation de la Cour de Justice est la même. Elle considère que l’égalité de traitement entre les salariés constitue une restriction de la « libre prestation de service » garantie par l’article 49 du traité instituant la Communauté Européenne, article repris par ailleurs intégralement par le traité de Lisbonne. »
Bien qu’aucun traité ne lui en donne le pouvoir, la Cour de Justice s’est emparée du Droit du Travail par le biais de ses arrêts liés à des affaires de commerce : c’est l’abattage de l’ensemble des droits sociaux qui est planifié.
Car vous n’êtes pas crédules au point d’imaginer que les eurojuges, nommés par les pouvoirs nationaux, sont des idéologues agissant indépendamment de leurs attaches professionnelles et du gouvernement européen (seule la Commission a le pouvoir de proposer des lois à Strasbourg) : ce que les gouvernements nationaux détricotent difficilement chez eux peut être casser aisément par le haut, et sans douleur pour l’oligarchie.
Dans moins de 10 ans, les digues seront rompues … et vous n’entendrez plus que la chanson sociale de texte européen !
Mais quelle est la référence politique des eurojuges ?
Le livre vert de la Commission, rendu public à la fin de 2006, intitulé : « moderniser le droit du travail pour relever les défis du XXIème siècle ». Comme ce n’était pas assez précis, ce livre vert fut complété par une communication titrée « vers des principes communs de flexicurité ». On peut y lire (nous abrégeons la doxa libérale) que le marché du travail est trop protégé, qu’il faut casser les sécurités des travailleurs pour qu’ils ne forment qu’un bloc avec tous les non-travailleurs (chômeurs indemnisés ou pas, SDF, etc.) : il faut instaurer une concurrence pure et parfaite entre les travailleurs !
Si aucune étude sérieuse n’a établi un lien entre le niveau de protection de l’emploi et le niveau de chômage, les idéologues bruxellois, à la solde des nationaux, n’en ont cure.
Après avoir brandi bêtement le petit livre rouge de MAO TSE TOUNG dans sa jeunesse (1974 : le groupe radical maoïste MRPP), le président de la Commission Jose Manuel BARROSO nous vend aujourd’hui le livre vert : si la couleur a changé, c’est toujours de la daube !
Nous sommes sur la route de la servitude.
(lire notre note du 2 février « L’Europe à la mode HAYEK est une économie communiste de marché »)
Alexandre Anizy