Les coups de Jean MECKERT

Publié le par Alexandre Anizy

Né en 1910, Jean MECKERT publie en 1942 son premier roman intitulé « les coups » (maintenant en poche Folio), qui raconte une histoire d’amour qui finit mal, comme diraient les RITA MITSOUKO.

 
Un certain André GIDE le remarque et en souligne la singularité dans deux chroniques du Figaro. Selon lui, il existe un sujet caché dans ce livre, « un drame secret que suit en tremblant le lecteur », « c’est le drame même de l’expression, des MOTS ».

En effet, le personnage central, Félix (ironie de l’auteur ?), est un ouvrier taiseux. 1ère phrase du roman : « J’avais été m’asseoir ce jour-là, tout seul sur la berge, comme un pêcheur, avec les pieds au-dessus de la flotte. » Parce qu’il ne trouve pas, ou ne possède pas les mots pour exprimer ses sentiments et ses émotions, il va se recroqueviller en lui malgré ou à cause de l’amour qui le touche inespérément.
« Je me trompe peut-être, mais je n’aime pas les gens qui causent. Tout comme la mode est faite pour les gens qui n’ont pas de goût, la causette c’est le paravent de ceux qui n’ont rien dans le ventre, c’est la grande recherche de l’impasse qu’on baptise infini, c’est la grande tromperie civilisée, ce qu’on aperçoit du dehors, du monté à graines, du loupé. » (p.114)

 
Ce qu’en dit GIDE : « Et c’est bien là ce que le Félix du roman de Jean MECKERT s’exténue à réclamer de sa maîtresse : noblesse, dignité, possibilité d’un échange sans duperie… (…) Alors, de guerre lasse, il la bat. Et de là le titre du livre.» (p.253)

Ce que GIDE avait pressenti, Annie LE BRUN l’analyse plus en détail : il y a bien eu une histoire d’amour, mais « (…) le drame de Félix est d’abord de sentir imperceptiblement, puis de s’apercevoir soudain qu’il vit avec une femme qui n’est plus ou plutôt qui n’est pas celle qu’il aime. » (p.260) 
« Seulement il suffit d’un rien pour que l’amour ne soit plus cette bouleversante dérive de la nouveauté d’être. Et c’est l’horreur, l’imperceptible horreur du conformisme familier qui vient défaire, salir ou même anéantir, une à une, toutes les infimes trouvailles amoureuses de ce qui a été – ne serait-ce qu’un moment – l’innocence retrouvée. » (p.261)

 
Si certains critiques y ont vu un roman prolétaire lors de sa réédition, on peut comprendre cette lecture réductrice ; mais « les coups », c’est mieux que cela.

 
Alexandre Anizy

Publié dans Notes culturelles

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