Le roman de la crise par Olivier Pastré et Jean-Marc Sylvestre (II)
(Suite de la note du 22 juillet 2008 portant le même titre)
A partir de la page 139, c’est un autre livre : on quitte le domaine de l’histoire économique immédiate pour pénétrer dans celui de l’essai bâclé. A ce changement, le lecteur y perd beaucoup.
A commencer par la clarté du propos. Ces deux économistes distingués prennent un malin plaisir à dézinguer les tenants du catastrophisme et de l’angélisme, comme ils disent, si bien que leur numéro d’équilibristes finit par lasser très vite. Prenons deux exemples.
« Le dollar – et donc le yuan chinois – s’affaisse inexorablement. (…) cette érosion ne menace pas fondamentalement la croissance européenne. Certes (…) EADS (…) directement mis en péril (…) et LVMH vend un peu moins (…). Mais, hormis cela, peu d’industrie sont, à ce jour, fragilisées par le cours du dollar et les véritables problèmes européens sont ailleurs. » (p.147)
Quels sont les véritables problèmes européens ? Nous n’en saurons rien.
Par contre, dès la page suivante, ils affirment : « A quel niveau la dépréciation du dollar asphyxiera-t-elle définitivement la croissance européenne ? Il est trop tôt pour le dire. (…) Mais (…) on se rapproche dangereusement de la « terra incognita ». »
Les experts qui ne se mouillent pas, on en connaît la musique : ils nous annonceront l’incendie quand tout le monde aura déjà vu le brasier !
« Des comptes publics presque partout – sauf en France … - en voie d’assainissement. La machine à mondialiser et à créer de la richesse trace sa route, inexorablement. » (p.142)
Ainsi, hormis la France retardataire, les comptables libéraux ont presque partout réduit les déficits …
MAIS on apprend à la page 144 quel est LE VRAI PROBLEME de l’économie mondiale : « Car la réalité, c’st que nos économies sont aujourd’hui sous la menace d’un «accident nucléaire » financier. Le « cœur du réacteur », dans ce domaine, est constitué par le double déficit américain (…) plus de 240 Milliards de dollars de déficit budgétaire prévus en 2007 et plus 700 Milliards de dollars de déficit de la balance des paiements courants. »
Messieurs, en matière de déficit, il faut savoir : en voie d’assainissement (sauf en France …) ou bien au bord de l’accident nucléaire !
Bref, la rédaction de ce « 2ème livre » n’est pas sérieuse.
Soulignons un point sur lequel ces 2 économistes distingués tiennent un discours ferme.
« Il n’est pas question de socialiser les pertes [des banques, ndaa], mais d’assurer la remise en marche du système en opérant un distinguo –nécessairement difficile à établir avec précision – entre les innocents et les coupables. » (p.245)
Plus clairement, ils affirment auparavant : « Il faut (…) permettre à l’Etat d’opérer les ajustements nécessaires à court terme. Dans le cas des « subprimes », cela nécessite une prise en charge, par l’Etat en direct, des cas sociaux (…). Cela passe donc par la prise en charge directe par le budget des cas les plus critiques.» (p.244)
Messieurs, cela s’appelle la socialisation des pertes.
Et nous observons que la contradiction ne vous embarrasse pas.
« Le roman vrai de la crise financière » est un ouvrage bâclé, dont nous ne recommandons que les 137 premières pages.
Alexandre Anizy