Les dernières heures du libéralisme selon Christian CHAVAGNEUX (V)

Publié le par Alexandre Anizy

(Suite aux notes économiques du 17, 18, 22 et 23 septembre 2008)

 

Diminution des risques financiers et crises moins fréquentes

 

Pour les apôtres du libéralisme, plus il y a d’acteurs sur les marchés, plus il y a d’échanges de titres variés, mieux les risques seront répartis. L’innovation financière a été poussée tellement loin que certains n’hésitent plus à comparer les marchés financiers à une salade niçoise … qui se transforme en mélasse comme aujourd’hui.

 

Dans le rapport annuel 2006 de la Banque des Règlements Internationaux (BRI, le club des banquiers centraux) en charge du bon fonctionnement du marché en quelque sorte, il est écrit que « compte tenu de la complexité de la situation et des limites de nos connaissances, il est extrêmement difficile de formuler des prévisions (…), les crises financières des dernières décennies ont, le plus souvent, eu pour origine un évènement presque entièrement inattendu. » (cité p.64)

Dit autrement : les produits financiers sont si sophistiqués, les volumes si importants de même que leur croissance, notre maîtrise du véhicule financier en excès de vitesse si faible, que nous sommes incapables de prévoir quand et où la crise explosera, mais nous savons que ses effets négatifs seront dommageables à la croissance et l’emploi.

 

Lorsque Christian CHAVAGNEUX publie son livre en février 2007, certains experts ont déjà dit des choses intéressantes concernant la crise qui va venir en juillet 2007. Pour Garry J. SCHINASI (économiste du FMI), « les produits dérivés lient les institutions financières dans un réseau d’exposition aux risques, dont l’amplitude est à la fois forte, volatile et mal comprise aussi bien par les autorités publiques que par les acteurs financiers eux-mêmes. Ils sont susceptibles de provoquer des crises financières dont les conséquences sur la croissance mondiale seraient aussi fortes que celles provoquées par des paniques financières et des crises bancaires. » (p.69)

Warren BUFFET quant à lui, vieux briscard de la finance, est on ne peut plus explicite lorsqu’il affirmait que les dérivés de crédit sont des Armes financières de Destruction Massive !

 

Chez Goldman Sachs, l’état major a suivi l’analyse de Warren BUFFET ou compris l’état d’éruption imminente du volcan financier, et ils en ont tiré au début de 2007 une conséquence pratique : miser sur la faillite des « subprimes ». Durant l’été 2007, Goldman Sachs touchait le jackpot.

Dimanche 21 septembre 2008 : Goldman Sachs, ainsi que Morgan Stanley (i.e. les 2 dernières grandes banques d’affaires américaines), ont annoncé leur intention de devenir des holdings bancaires ; elles sortiront du périmètre de contrôle de la SEC (organisme de surveillance des marchés boursiers) pour passer dans celui de la FED et de l’ « Office of the Comptroller of the Currency » (OCC) dépendant du Trésor. Quel est l’intérêt de ce changement brusque ? Pouvoir bénéficier du guichet ouvert (le fameux plan de sauvetage de 700 Milliards de dollars) par l’Etat pour les institutions financières nécessiteuses, car le marché ne croyait pas trop à leur ratio de solvabilité qui ne cadrait pas avec leur niveau d’engagement estimé (leurs dettes représenteraient 30 fois leurs capitaux). Même si cette décision stratégique semble avoir été prise sous la pression du marché, soulignons ici l’ « animal spirit » des dirigeants de ces 2 sociétés. Ce changement radical suffira-t-il pour échapper à la tourmente ? C’est une autre histoire. A New-York, une page vient d’être tournée.

 

Face aux perdants, vous trouvez nécessairement des gagnants (provisoires). Et la « main invisible » n’y est pour rien. La finance internationale est devenue une zone de non-régulation de l’économie mondiale, comme l’a exprimé Susan STRANGE. (citée p.70)

 

Alexandre Anizy