La fin du capitalisme selon Immanuel WALLERSTEIN
Immanuel WALLERSTEIN, sociologue américain mondialement réputé en histoire économique, s’est longuement exprimé dans un entretien paru dans le Monde du 12 octobre 2008.
« Nous sommes aujourd’hui clairement dans une phase B d’un cycle de KONDRATIEFF (…) », la phase A se situant de 1945 à 1975. « (…) dans une phase B, le capitalisme doit, pour continuer à générer des profits, se financiariser et se réfugier dans la spéculation. » Tout est alors fondé sur l’endettement, aussi bien de l’Etat que des entreprises et des ménages. Au jour d’aujourd’hui, le déclin apparaît réellement après l’explosion des bulles successives.
Ce temps du cycle long se conjugue à un moment de transition entre 2 systèmes de longue durée (la « période » de l’historien Fernand BRAUDEL qui s’est intéressé aux systèmes qui régissaient les rapports de l’homme à son environnement matériel).
Qu’est-ce qui caractérise le moment ? « (…) le capitalisme ne parvient plus à « faire système » au sens où l’entend le physicien et chimiste Ilya PRIGOGINE (…) », c'est-à-dire qu’il dévie trop et trop souvent de sa situation d’équilibre, ce qui l’amène à bifurquer. La situation devenant incontrôlable, la lutte s’installe entre tous les acteurs pour façonner un nouveau système : les contributions individuelles à cette édification sont pour beaucoup inconscientes. « Je [I.W] réserve l’usage du mot « crise » à ce type de période. Eh bien, nous sommes en crise. Le capitalisme touche à sa fin. »
En fin de phase B du cycle KONDRATIEFF, on observe un temps de 2 à 5 ans durant lequel on détruit de la valeur, puis on entre dans une nouvelle phase A quand les conditions de réalisation d’un profit réel issu d’une nouvelle production matérielle sont réunies. Mais, puisque nous sommes dans la crise (cf. définition ci-dessus), il faudra patienter 10 ans environ pour y voir plus clair, 30 à 40 ans pour que le nouveau système émerge.
Conclusion logique d’Immanuel WALLERSTEIN : « (…) les maîtres du système vont tenter de trouver des boucs émissaires à l’effondrement de leur hégémonie. Je pense que la moitié du peuple américain n’acceptera pas ce qui est en train de se passer. Les conflits internes vont donc s’exacerber aux Etats-Unis, qui sont en passe de devenir le pays du monde le plus instable politiquement. »
Alexandre Anizy
P.S. : pour ceux qui voudraient en savoir plus, mais succinctement, sur la pensée de Fernand BRAUDEL, nous recommandons son livre court « la dynamique du capitalisme » (éd. Arthaud 1985, 121 pages, 49 FRF)