Le krach d'Emmanuel PONS

Publié le par Alexandre Anizy

L’incipit serait une réminiscence de « l’étranger » d’Albert CAMUS qui déjanterait immédiatement : « Ma mère est morte. L’autre bonne nouvelle, c’est qu’elle est morte riche. C’est une tradition dans la famille. »

On est intrigué par ce diable d’Emmanuel PONS avec « Ma mère, à l’origine » (Arléa janvier 2008, 132 pages, 14 €). Comme l’auteur donne aussi dans la peinture, nous pensons au célèbre tableau de COURBET.

Le style des pages suivantes maintient la pression d’humour : « Ils m’ont dévisagé froidement quand j’ai garé ma Ferrari jaune à côté du corbillard. Je les comprends. Moi aussi, je l’aurais préféré rouge (…) » (p. 13) Et puis en page 15 : « J’ai dit aux usuriers qui voulaient m’extorquer de la douleur que je devais rendre la Ferrari avant dix-huit heures, et je suis parti. » Ainsi s’achève les quatre premières pages du livre de PONS : une introduction excellente.

 

On imagine alors qu’on vient de tomber sur quelque chose qui aurait une parenté avec « la conjuration des imbéciles » de John Tool KENNEDY (lire notre note culturelle du 4 juin 2007).   

Ce que les pages suivantes nous donnent à croire, comme lorsqu’on lit en page 25 : « Il est à son ordinateur  toute la journée, comme à une table au casino. S’il m’entendait, il crierait : « je ne joue pas ; c’est mathématique, la Bourse. Le hasard n’y a pas sa place. »

Parce que le fils indigne a plongé dans un univers impitoyable : il est devenu « home trader », faisant fructifier sa fortune par des opérations journalières, grâce à une formation ad hoc et à un équipement domestique dont ne rougirait pas un spécialiste des salles des marchés. Il poursuit à sa manière la tradition familiale.

Et c’est là que le roman bifurque vers une approche psychologique somme toute ordinaire : le fils qui veut accumuler des avoirs pour démontrer à sa mère défunte qu’il méritait quelques signes d’affection (« Ma mère avait donc un fils : son ego. Elle le traitait avec amour et lui accordait tout son temps. C’est lui qu’elle sortait, qu’elle soignait. J’ignore ce qu’elle disait de moi. Rien sans doute. » p. 63), qui reproduit le schéma avec son fils …

Heureusement, pour tenir la distance romanesque, PONS a imaginé que son personnage créait un indice : « (…) je calcule quotidiennement le PEJ de mon fils. Le PEJ – indice des principaux événements de la journée – reflète fidèlement l’état moral d’un individu, donc de sa capacité à surmonter ou non les difficultés. Je reporte ensuite le résultat du jour sur un graphique semblable au CAC 40. J’obtiens ainsi une courbe dont le tracé m’éclaire sur les fluctuations à la hausse ou à la baisse de son état mental. » Comme vous le voyez, le home trader part en vrille …

De cette descente infernale, Emmanuel PONS aurait pu faire une représentation hallucinante du monde boursier, que l’humour et l’ironie pouvaient accentuer tout en distrayant le lecteur. C’était à notre avis l’idée originale et forte qu’il aurait fallu développer pour ficeler un roman abouti.

Emmanuel PONS n’a pas pris ce chemin. Le lecteur reste sur sa faim.

Alexandre Anizy

Publié dans Notes culturelles

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