Le "oui à la Turquie" de Michel ROCARD l'idiot utile (II)
La Turquie est une chance pour l’Europe
Michel ROCARD n’ignore pas les 3 cactus dans le dossier de l’adhésion turque : le problème kurde, le génocide arménien, la question chypriote. Mais comme pour les Allemands et les Français, pour les catholiques et les protestants irlandais, demain pour les Polonais et les Allemands, l’Europe finira par réconcilier les populations de Turquie, parce que « c’est ce que l’Europe sait le mieux faire ». (p.93) Bien sûr, admettre le génocide arménien, perdre la partie turque de Chypre, accorder l’autonomie aux Kurdes (avec ce que cela implique : langue, culture, patrimoine), constitueront pour la Turquie « cette perte de prestige et ce malaise [qui] devront être compensés par un succès majeur, comme le serait l’adhésion pleine et entière à l’Europe. » (p.97)
Chez ROCARD, n’y a-t-il pas une surestimation de la valeur du ticket européen ?
Pour l’Union Européenne, la Turquie est la clé pour accéder à la 2ème réserve mondiale de pétrole (cette zone comprenant 5 pays de langues turciques : Kazakhstan, Ouzbékistan, Turkménistan, Kirghizistan, Azerbaïdjan), mais aussi aux ressources naturelles sibériennes, où « il est important que l’Europe ne laisse pas les seuls consortiums chinois appuyés par le Japon s’attaquer à ces gisements. » (p.98) Concernant l’eau, la Turquie avec le Tigre et l’Euphrate est le réservoir de l’Irak, de la Syrie, du Liban et d’Israël : l’expérience du charbon et de l’acier pourra servir de modèle pour une gestion commune de l’eau.
« Et puis soyons purement égoïstes. » : la Turquie représente un immense marché de 71 millions de consommateurs (90 millions dans moins de 20 ans), dont la demande connaît une des progressions les plus rapides du monde. « La Turquie élargira la taille et la compétitivité [c’est nous qui soulignons, ndAAA] du marché intérieur de l’Union. » (p.108) Concernant l’immigration, les chiffres (d’une étude fort opportune) sont sans appel : pour la période allant de 2015 à 2030, avec une Turquie intégrée à l’Union, c’est 640.000 immigrés turcs complémentaires ; avec une Turquie hors de l’Union, c’est 1.480.000 turcs supplémentaires en Europe. Le non-dit de cet argumentaire est le suivant : le rejet de l’adhésion engendrera, du fait de la perte d’attractivité, un arrêt des investissements (IDE), i.e. des délocalisations des pays majeurs en Turquie, ce qui provoquera une hausse importante de l’immigration vers l’Europe.
(A suivre …)
Alexandre ANIZY