La mondialisation selon Pierre-Noël GIRAUD (II)
Dans son livre « la mondialisation. Emergences et Fragmentations » (Sciences Humaines éditions, 4ème trimestre 2008, 158 pages, 10 €), Pierre-Noël GIRAUD dresse un état du processus de mondialisation.
Pour la plupart des marchandises, les barrières douanières sont inférieures à 5 %. Les bateaux utilisant un fioul lourd qui coûte environ 10 fois moins cher que le kérosène ou l’essence hors taxe, il en ressort que le coût de transport maritime d’une paire de chaussure entre l’Asie et un port européen est d’environ 0,50 dollar, soit moins que le coût de transport entre le port et le magasin distributeur. En soi, un renchérissement du pétrole autour de 100 dollars le baril n’affectera pas le commerce international.
La globalisation numérique permet une baisse des coûts de transaction et la production de services à distance. Grâce à la faiblesse des coûts de diffusion, la circulation d’images augmente et « contribue fortement à faire de la richesse une notion essentiellement relative ».
En matière financière, la globalisation place les décideurs dans le triangle d’impossibilité de MUNDELL, à savoir qu’on ne peut pas poursuivre à la fois ces 3 objectifs (liberté de circulation des capitaux, stabilité des taux de change, indépendance de la politique monétaire), mais seulement 2 d’entre eux. Quant aux entreprises qui se financent sur les marchés, elles sont instantanément comparées à toutes les autres et sommées de corriger les faiblesses relatives éventuelles.
Si la globalisation des firmes n’a échappé à personne, GIRAUD nous dit que la véritable firme globale, c'est-à-dire celle dont les dirigeants et cadres supérieurs sont de nationalités diverses, dont la langue de travail est l’anglais, dont les centres de recherche peuvent être déconnectés des centres de production et de gestion, et qui n’a aucun a priori sur la localisation de son siège social, est en train d’apparaître.
Par exemple, nous pensons que la firme américaine DELL est en bonne voie pour obtenir ce label (seul le dernier critère fait vraiment défaut). Rappelons ici que DELL ferme son centre d’assemblage irlandais de Limerick (environ 15 ans après son débarquement) pour l’implanter en Pologne, où les coûts salariaux sont nettement inférieurs : gageons que dans 15 ans celui-ci pourrait aussi fermer pour un transfert en Turquie ! (relire à ce stade nos notes politiques titrées « le oui à la Turquie de Michel ROCARD l’idiot utile »)
« Une chose est certaine cependant, la seconde transformation structurelle fondamentale de la mondialisation en cours est la constitution de firmes qui (…) localisent leurs diverses activités de plus en plus strictement en fonction des avantages que tel territoire, telle ville, présente à leurs yeux pour ce genre d’activité. Elles engendrent donc une compétition généralisée entre les territoires pour les retenir et les attirer. » (p.38-39)
On ne peut cependant parler d’une économie mondiale, ne serait-ce qu’à cause du marché du travail qui demeure « local ».
Quel est l’impact de la mondialisation sur les inégalités entre territoires ? Les chiffres présentés par GIRAUD sont très clairs : le PIB par habitant en l’Asie par rapport à celui des pays industrialisés riches monte vite, quand ceux de l’Afrique, du Moyen-Orient, de l’Amérique Latine stagnent ou baissent.
Et les inégalités internes à chaque territoire ? Elles augmentent presque partout.
« Nous soutiendrons à rebours que la mondialisation actuelle n’unifie pas le monde. Elle est un puissant processus de redistribution des inégalités internationales et sociales, fait d’émergences rapides et de décrochages. Elle redéfinit les lignes de fracture. Elle fragmente le monde. » (p.47-48)
Alexandre ANIZY