Remarques sur la mondialisation de Pierre-Noël GIRAUD (VI)
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Peut-on critiquer « La mondialisation. Emergences et Fragmentations » (Sciences Humaines éditions, 4ème trimestre 2008, 158 pages, 10 €) de Pierre-Noël GIRAUD ?
Pas vraiment, puisqu’il constate une situation à partir des données statistiques, et parce que les concepts forgés, qui renvoient à une réalité quantifiable, lui permettent de bâtir un modèle intéressant. Néanmoins, il nous semble utile de faire 3 remarques.
La première concerne le concept de firme globale, qui doit certainement beaucoup aux travaux de Charles-Albert MICHALET (nous pensons en particulier au « capitalisme mondial », PUF 2ème édition de 1985, 368 pages, 148 FRF). Or, nous n’en trouvons aucune référence, aucune note de bas de page, alors qu’un article du New York Times est cité en page 15. Nous le regrettons (une question de méthodologie universitaire).
La deuxième remarque pointe une faiblesse de cet ouvrage. Nous n’avons pas trouvé une analyse conséquente de l’articulation entre le local et le global, alors que ce mécanisme n’a pas échappé à la sagacité de P-N. GIRAUD. De plus, la question de la hiérarchie des territoires n’est pas posée. Or, sur ces sujets, Michel BEAUD planchait dès 1986. (« Le système national mondial hiérarchisé », La Découverte, 1987, 134 pp.)
La troisième remarque est d’ordre politique. Alors qu’il dresse le scénario noir de l’évolution du capitalisme, où des hommes inutiles (le « milliard d’en bas ») pourraient être délaissés, contrôlés et parqués, alors qu’il décrit une double fragmentation de la société dans les pays riches (entre les riches compétitifs et les classes moyennes paupérisées, entre ce 1er groupe et une frange pauvre et illégale), qui « ne peut que dégrader les mécanismes de la démocratie représentative » aboutissant à un système, où « la politique se réduira à des discussions techniques entre groupes influents de compétitifs » (p.155), où les élections ne seront plus que des plébiscites où on sortira les sortants par des successeurs qui leur ressembleront, P-N. GIRAUD ne propose tout compte fait qu’un réformisme en phase avec le consensus en vigueur au sein de l’oligarchie, en évitant l’optimisme béat qu’il convient d’afficher de nos jours : si « on ne peut donc pas compter sur la mondialisation pour unifier rapidement le monde », il reste fort heureusement les Etats-Nations qui sont loin d’avoir perdu leurs pouvoirs, et dont les politiques n’ont qu’à « s’adapter à la mondialisation, dans leurs cibles et dans leurs modalités ».
Pour nous, la réflexion n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
Alexandre ANIZY