"Capitalisme et pulsion de mort" de Gilles DOSTALER et Bernard MARIS (I)

Publié le par Alexandre Anizy

En lisant ce livre, nous retrouvons une problématique qui nous intéressa, il y a presque 30 ans. Bien qu’il ne soit pas exempt de critiques, que nous résumerons dans un billet à la fin des notes, « Capitalisme et pulsion de mort » (Albin Michel, janvier 2009, 168 pages, 15 €) est un ouvrage utile et opportun, puisqu’il s’agit d’une thèse sur les racines du capitalisme qui, comme chacun le pressent, est en crise profonde. Ce n’est pas un exercice de rhétorique sur l’immoralité du milieu bancaire, ni un catalogue de mesures techniques pour réamorcer le système financier en déroute.   

Gilles DOSTALER et Bernard MARIS, 2 économistes émérites ayant un lien avec l’université de Paris VIII, sont parfaitement qualifiés pour aborder un tel sujet. D’ailleurs, il n’y a qu’à regarder la bibliographie pour comprendre que ce livre ne peut être le fruit que de longues années de recherche. Son originalité (mais ils ont des précurseurs, qu’ils présentent eux-mêmes en note de la page 23 notamment) tient dans l’analyse du rapport entre les œuvres de FREUD et de KEYNES.

 

« Ce qu’enseignent FREUD et KEYNES, nous espérons le montrer dans ce livre, c’est que ce désir d’équilibre qui appartient au capitalisme, toujours présent, mais toujours repoussé dans la croissance, n’est autre qu’une pulsion de mort. » (p. 8-9) 

 

Le problème fondamental est posé en prologue grâce à Claude LéVI-STRAUSS : les démographes ont prédit un pic de population à 9 milliards d’individus en 2050, puis une baisse rapide et, « à l’échelle de quelques siècles une menace pèsera sur la survie de notre espèce. De toute façon, elle aura exercé ses ravages sur la diversité non seulement culturelle, mais aussi biologique en faisant disparaître quantité d’espèces animales et végétales. » (Cité p. 14)

Ces ravages constituent indéniablement un résultat du capitalisme défini « comme le moment où l’invention et la technique sont détournées, canalisées et systématiquement appliquées à l’accumulation des biens ». (p. 16) Dans les années 1950, en prolongement des théories freudiennes sur l’évolution des civilisations, Herbert MARCUSE avec « Eros et civilisation » et Norman BROWN avec « Eros et Thanatos » (cités par les auteurs ; répétons-le, c’est vraiment un travail sérieux, qui offre à chaque lecteur la possibilité d’aller aux sources qui l’intéressent) avaient écrit sur la lutte entre les pulsions de vie et de mort.

De mémoire, nous soulignons que le livre de MARCUSE est un bon exemple de l’approche freudo-marxiste, soit une dialectique transcendante et apologétique comme disait Georges GURVITCH.

Mais avant eux, l’économiste « KEYNES a fait le lien entre la pulsion de mort, la préférence pour la liquidité et la tendance rentière des économies » (p. 19), au point de souhaiter « l’euthanasie du rentier ».

(À suivre)

 

Alexandre ANIZY