"Capitalisme et pulsion de mort" de Gilles DOSTALER et Bernard MARIS (II)
Lire auparavant la note I portant le même titre.
Le premier chapitre de cet essai porte naturellement sur FREUD et la pulsion de mort.
C’est dans « au-delà du principe de plaisir » (1920) que FREUD expose la thèse selon laquelle l’espèce humaine est sujette à 2 sortes de pulsions (« trieb », en allemand), « celles qui veulent conduire la vie à la mort et les autres, les pulsions sexuelles, qui sans cesse tendent vers le renouvellement de la vie et l’imposent » (Freud, cité p. 27).
La chose serait trop simple si le combat se résumait à une lutte entre Eros et Thanatos. La pulsion sexuelle contient un élément sadique, si bien que « le principe de plaisir semble être tout simplement au service des pulsions de mort » (Freud, cité p. 27). En fait, la pulsion de mort se cache derrière l’Eros : la mort est « un objet de désir paradoxal et donc exemplaire : c’est l’objet de désir qui nous libère finalement du désir. C’est, aux deux sens du terme, la fin de notre souffrance » (Phillips, cité p.29). La souffrance de la séparation du monde maternel, le désir de restaurer ce « passé fusionnel ».
« Vouloir nous désintégrer et désintégrer le monde est notre désir primordial et suicidaire. » (p.29)
Mais la pulsion de vie est dans chaque individu, l’incitant à s’unir aux autres pour la survie de l’espèce : en la détournant, Eros utilise l’énergie de la pulsion de mort pour exploiter et détruire la nature pour le bien de l’humanité. Ainsi, nous sommes « obligés d’admettre l’hypothèse selon laquelle un principe de mort est incorporé à la structure et à la substance même de tous les efforts humains constructifs » (p.31). Autrement dit, le progrès rassemble des forces de plus en plus destructrices.
On pourrait penser que l’instinct de vie, ayant imposé la nécessité du collectif, réussit à contenir le mal grâce à la Loi (« tu ne tueras point ») et à la culture (toutes marques d’une communion de l’espèce humaine, renvoyant notamment à l’amour et au devoir d’aimer). Mais 2 problèmes apparaissent : d’une part, en faisant miroiter du bonheur (retour au « monde maternel »), la pulsion de mort apaise, de même que son contenu sadique et érotique apporte des satisfactions ; d’autre part, « la psychologie des masses … peut être tout à fait mortifère (…) [puisque] la collectivité n’est jamais pacifiée » (p.32).
L’Eros, collectif, doit toujours contenir Thanatos sous ses formes individuelles qui s’agglomèrent aussi en force collective destructrice.
(A suivre)
Alexandre ANIZY