"Capitalisme et pulsion de mort" de Gilles DOSTALER et Bernard MARIS (IV)

Publié le par Alexandre Anizy

Lire auparavant les notes I à III portant le même titre.

Gilles DOSTALER et Bernard MARIS rappellent ensuite que « l’individu de FREUD comme celui de KEYNES est un être d’emblée collectif, qui naît et grandit par le langage ». (p.43)

Un groupe, une société, c’est autre chose que la somme des individus composant l’ensemble : individuel et collectif sont antinomiques.

« Les termes antinomiques ne se résolvent pas plus que les pôles opposés d’une pile électrique ne se détruisent. Le problème consiste à trouver non leur fusion qui serait leur mort, mais leur équilibre sans cesse instable, variable selon le développement même de la société. » (PROUDHON, « Théorie de la propriété »)

« Le moi est angoissé, agressif, autodestructeur. Il se heurte au collectif qui le protège au nom de l’autorité. » (p.43), ce qui accentue le phénomène « boule de neige » : l’argent engendre plus d’argent, les structures élémentaires s’assemblent de plus en plus du fait de la dynamique de la circulation du capital – un processus complexe que le terme mondialisation cristallise bien. « L’une des tendances principales de la culture est d’agglomérer les hommes en de grandes unités » (Freud, cité p.44), parce que la technique (on a vu précédemment qu’elle est une partie de la culture) homogénéise le monde (MARX et WEBER parlaient déjà de « planète uniforme », comme plus tard KEYNES ou Karl POLANYI). Mais la formation de groupes incorpore des tendances morbides (Freud, « totem et tabous ») et « le remplacement de la puissance de l’individu par celle de la communauté est le pas culturel décisif. Son essence consiste en ce que les membres de la communautés se limitent dans leurs possibilités de satisfaction (…) ». (Freud, cité p.45)

La foule subit donc une pression culturelle, mouvement illimité d’accumulation se faisant au détriment des pulsions : par nécessité économique, la culture retire à la sexualité une grande énergie. Refoulement sexuel et pulsion de mort sont liés.  

 

« L’incapacité de concevoir une limite, propre à l’infantilisme, est au cœur du capitalisme. » (p.46) En effet, « le moi lui-même est investi de libido (…) qui se tourne vers les objets, devenant ainsi libido d’objet, et peut se retransformer en libido narcissique. » (Freud, cité p.46) Or, que fait le capitalisme, sinon ajouter des objets aux objets ?

Le capitalisme a surdéveloppé la culture pour d’abord répondre aux besoins des hommes, puis pour les stimuler (publicité et média entretenant l’insatiabilité), entraînant la société des hommes dans une frénésie accumulatrice où personne n’est satisfait : au bout du compte, il reste la frustration et le désarroi.   

(A suivre)

 

Alexandre ANIZY