"Capitalisme et pulsion de mort" de Gilles DOSTALER et Bernard MARIS (V)
Lire auparavant les notes I à IV portant le même titre.
Gilles DOSTALER et Bernard MARIS en viennent ensuite à la 3ème souffrance de l’individu (après celles de la caducité du corps et de l’invincible nature), celle qui est due à la collectivité et particulièrement à autrui : « Ce qui est proche de moi et me ressemble, je le déteste. En vérité, je déteste mon prochain. » (p.48)
Ceux qui ont lu René GIRARD ont bien sûr reconnu sa thèse de la violence mimétique, admirablement présentée dans son livre « la violence et le sacré » ; mais aussi dans « des choses cachées depuis la fondation du monde » (2 livres en collections de poche).
FREUD parle de narcissisme des petites différences pour désigner cette haine spéculaire du voisin, du collègue, de l’homme qui prend la place que le sujet enviait, alors que GIRARD la nomme rivalité mimétique tout en reconnaissant la découverte formidable de FREUD : « (…) toute pratique rituelle, toute signification mythique a son origine dans un meurtre réel. » (Freud, cité p.51)
Ceux qui s’intéressent vraiment à cette question doivent évidemment lire « totem et tabou », un grand livre de FREUD, si ce n’est le meilleur, comme le dit GIRARD.
« Derrière la rivalité mimétique, (…) la jalousie, l’envie, le désir d’accaparer ce que possède l’autre, le désir de l’autre tout simplement, pour le blesser, le mutiler et le tuer. La frustration et le sadisme sont au cœur de la rivalité mimétique. » (p.51) En conséquence, quand l’individu exprime en société ses besoins, il ne fait que désirer les objets des autres (ou que les autres désirent ouvertement), car tout ce que les autres font ou désirent lui paraît admirable et imitable, ce qui signifie que tout individu est « dans la recherche volontaire d’une adversité dont on est soi-même l’artisan ». (GIRARD, cité p.51)
Forts de cette analyse, DOSTALER et MARIS peuvent donner un autre sens aux mots concurrence et compétition :
« La concurrence résume la rivalité mimétique, la foule des moutons courant vers la mort. » (p.52) ;
« (…) il s’agit bien de rivalité mimétique (…). Ensemble nous quémandons. La compétition possède un contenu infantile que n’avoue pas immédiatement la concurrence. » (p.52)
Pour FREUD, le capitalisme est un moment puéril, immature, dans l’histoire de l’humanité.
Le narcissisme des petites différences permet d’expliquer la servitude volontaire : « Passant du moi, égoïste et éclairé, à la foule, mimétique et aveugle, l’individu abandonne sa raison pour l’imitation et, au passage, entre dans la servitude volontaire. » (p.53) Ceci vaut pour la sphère de production. Dans celle de la consommation, l’hystérie en est une autre forme : « l’hystérique ne consomme ou n’accumule pas des objets pour jouir, évidemment, mais pour plaire à autrui. » (p.54)
Par la consommation des objets, le capitalisme promet une jouissance élevée, qui n’est pas du plaisir mais une manifestation de la pulsion de mort.
Alexandre ANIZY