"Capitalisme et pulsion de mort" Gilles DOSTALER, Bernard MARIS (VII)

Publié le par Alexandre Anizy

Lire auparavant les notes I à VI portant le même titre.

Nous abordons maintenant avec Gilles DOSTALER et Bernard MARIS l’œuvre keynésienne pour y trouver sa perception de l’argent. D’emblée, les 2 économistes placent en exergue une citation de KEYNES :

« L’amour de l’argent comme objet de possession (…) sera reconnu pour ce qu’il est, une passion morbide plutôt répugnante, une de ces inclinations à moitié criminelles, à moitié pathologiques, dont on confie le soin en frissonnant aux spécialistes des maladies mentales. » (Cité p.59)

Cet amour de l’argent, qui pousse l’individu à rechercher absolument le profit, comme « un adjuvant à la sélection naturelle » (expression de Keynes), est la forme keynésienne de la pulsion de mort.

 

En brisant la simultanéité des échanges, l’argent introduit le temps et jette par là-même « un brouillard d’incertitude sur toutes les actions humaines ». C’est pourquoi la monnaie n’est pas neutre.

KEYNES admirait ARISTOTE, qui exposa les 4 fonctions de la monnaie (mesure de valeur ; moyen d’échange ; moyen de paiement ; réserve de valeur), dont la dernière permet le désordre et la perversion, et qui différencia l’économique (subvenir naturellement à ses besoins) de la chrématistique (accumuler de la richesse monétaire), en condamnant ceux qui accumulent pour accumuler, parce que, si la consommation a forcément une limite, l’accumulation de richesses est illimitée. Par conséquent le commerce qui n’a pour objectif que de vendre plus cher ce qui a été acheté ne peut pas fixer de limite à la cupidité. Pire que le commerce ? Le prêt à intérêt. « C’est un gain contre-nature. THOMAS D’AQUIN reprendra les idées d’ARISTOTE pour condamner l’intérêt, qu’il appelle l’usure, car l’intérêt est le prix du temps qui n’appartient qu’à Dieu. Le taux d’intérêt est le loyer de l’argent qui ne peut, par sa nature, être loué. » (p.69-70)

KEYNES utilise aussi cette notion de loyer de l’argent, s’opposant ainsi aux économistes classiques qui voient dans l’intérêt le prix de l’abstinence.

Et lorsqu’il parle de l’or dans les années 1920, KEYNES le qualifie de « relique barbare » ou de « fétiche ».

 

Reste l’amour de l’argent, ce désir morbide. « KEYNES, comme FREUD, relie la libido et la sublimation. La civilisation progresse, entre autres, parce que les êtres humains subliment leurs pulsions dans le travail, et pour certains dans des œuvres littéraires et artistiques. » (p.77)

Or, on a vu précédemment les pulsions agressives et sadiques qui amènent certains à malmener d’autres : « La possibilité de gagner de l’argent et de constituer une fortune peut canaliser certains penchants dangereux de la nature humaine (…). (…). Il vaut mieux que l’homme exerce son despotisme sur son compte en banque que sur ses concitoyens. » (Keynes, cité p.78) 

C’est ainsi que « l’amour irrationnel de l’argent est le moteur du capitalisme » (p.66)            

 

Alexandre ANIZY