DEXIA un poison d'avril

Publié le par Alexandre Anizy

Insérer cette note dans la série consacrée à « Capitalisme et pulsion de mort » de Gilles DOSTALER et Bernard MARIS nous paraît un bon exercice pratique, i.e. une confrontation de la théorie avec un cas réel.

 

Rappelons les faits.

DEXIA est une banque qui a échappé à la fermeture définitive grâce aux subsides (et les garanties) des Etats français et belges, dont le plan de sauvetage comprend la suppression de 900 emplois ; cette déconfiture n’a pas empêché le conseil d’administration (voir le rapport annuel) d’accorder une indemnité de 825.000 euros à son ex patron incompétent Axel MILLER, alors que celui-ci avait eu la délicatesse de renoncer en octobre 2008 à son droit à 3,7 millions d’euros … tout en s’en remettant « à la sagesse du conseil d’administration » (lire notre note du 4 décembre 2008) ; le 13 novembre 2008, le conseil d’administration a accepté à l’unanimité (c'est-à-dire avec les voix des représentants de l’Etat français et de la Caisse des Dépôts – qui n’est en dernière analyse qu’un bras financier de l’Etat), que le salaire fixe annuel du nouveau directeur général Pierre MARIANI soit élevé à 1 million d’euros, alors que celui de l’ancien directeur était de 825.000 euros, que le bonus maximum soit porté à 2,25 millions d’euros, alors que celui de l’ancien directeur était de 1,8 millions d’euros.

Même en situation de faillite, l’oligarchie ne connaît pas la crise.

 

Qui a proposé cette augmentation généreuse pour Pierre MARIANI ? Le comité des rémunérations de DEXIA, dont font notamment partie :

  • Augustin de ROMANET de BEAUNE (énarque ; directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations) ;
  • Denis KESSLER le khmer blanc (lire notre note du 2 décembre 2008).

Ces 2 oligarques français nous donnent involontairement un aperçu de ce que sera « le futur capitalisme d’antan » !

 

 

Posons la question d’actualité.

Si nous faisons l’hypothèse que Pierre MARIANI, l’aristocrate Augustin de ROMANET de BEAUNE, Denis KESSLER le khmer blanc, ainsi que tous les autres membres du conseil d’administration de DEXIA, sont des êtres intelligents et bien informés, pourquoi ont-ils validé cette augmentation inopportune pour le nouveau directeur général Pierre MARIANI, puisqu’ils ne pouvaient pas ignorer (selon notre hypothèse ci-dessus) que cette mesure allait indigner l’opinion publique ?

Nous donnons 3 réponses non exclusives à cette question.

 

La première réponse est de l’ordre de la vulgate managériale (les éléments de langage des dirigeants, comme on dit à l’Elysée dont Pierre MARIANI connaît bien l’occupant) : parce qu’il n’y a pas de compétence interne (le fait qu’il n’y aurait pas dans le « Top management de DEXIA » - i.e. les 100 premiers cadres de la hiérarchie -, 1 personne capable de prendre les rênes de l’entreprise, est en soi une information révélatrice sur l’état de cette firme et sur le recrutement des patrons), ils payent au prix du marché un homme extérieur. C’est un choix rationnel.    

La deuxième réponse a la forme d’un constat : considérant que le capitalisme est amoral, l’oligarchie se moque de l’opinion publique pour gérer ses affaires internes, laissant à ses politiques le soin de régler le problème (posture de l’indignation, discours de réprobation, et si c’est vraiment nécessaire, un texte de loi (aussi ronflant qu’inutile, évidemment) visant à moraliser les affaires …).

La troisième réponse est aussi une confirmation que nous adressons à Alain MINC : la pulsion de mort est à l’œuvre.

Ce petit conseiller écrivait en effet dans le Figaro du 23 mars 2009 une lettre à ses amis de la classe dirigeante : « Mais je suis aujourd’hui inquiet pour vous car je ne comprends ni vos réactions, ni vos raisonnements, ni – pardonnez-moi le mot – votre autisme. (…). Un léger retard à l’allumage est pardonnable : un excès d’inconscience, non ; surtout lorsqu’il s’assimile à une pulsion suicidaire. »

 

Alexandre ANIZY