La marche au canon de Jean MECKERT
Revoilà Jean MECKERT !
(lire la note du 29 juin 2008 relative à son premier roman, « les coups »)
Avec « la marche au canon » (éditions Joëlle LOSFELD, mars 2005, 105 pages, 8,50 €), comme ce titre le suggère ironiquement, il nous parle de la guerre, enfin, de la « drôle de guerre ». Un lecteur snobinard ne se portera que vers Jean-Paul SARTRE et ses « carnets de guerre – novembre 1939/mars 1940 » (Gallimard, mai 1983, 432 pages, 90 FRF), pour avoir un récit calme et reposé de l’aventure (le jeune JPS appréciait aussi Pardaillan de Michel ZEVACO) ; pourtant, s’il se tournait vers MECKERT, c’est du brut qu’il obtiendrait : l’humanité dans sa simplicité.
L’incipit donne le ton :
« Un jour, le canon a grondé. Un premier coup a secoué l’horizon. De tressautement local en pâleurs concentriques, on nous a dit : c’est la guerre !
Immédiatement et sans délai, je suis parti à la guerre. Il me fallait des allures de petit courage. Elle avait des lettres, la bonne guerre, des lettres hautes dans le journal. On avait fait sa publicité. C’était quelqu’un, la guerre aux lettres hautes. On était badaud, bon badaud moral. On allait voir la guerre. » (p.11)
Mais, en fait de guerre, c’est plutôt l’attente, le désœuvrement, la vinasse, les embrouilles de caserne, les transports en wagons à bestiaux aménagés pour la troupe, auxquels nous convie Augustin Marcadet, l’antihéros de cette non-bataille.
« On parlait aussi chacun de soi, on faisait de la politique vague et générale. On causait de la resquille et des perms, on bouchait des trous, on bouffait du sous-off. » (p.20)
De l’effondrement général, Marcadet ne connaîtra que la fuite forcément pitoyable d’une armée en déroute, avec déjà un avant-goût de la rudesse à l’égard de la population civile.
« J’avais perdu tout ce qui faisait de moi un homme ! On m’avait mis en guerre contre des bombes, contre des balles, contre des chars blindés qui avaient foncé sur moi !
Je n’avais rien vu que des éclaboussures. Rien vu ! Rien ! De toute cette guerre immonde où l’on pouvait me tirer comme un simple gibier, où l’on m’avait visé à balle, bombardé et chargé au monstre blindé, je n’avais rien vu et je n’avais rien à raconter. Rien ! » (p.101)
Il y a du Bardamu chez ce Marcadet.
Alexandre ANIZY