Disons tout de suite que ce roman est une somme, qui méritait à la fois son succès en librairie et ses récompenses littéraires (prix Goncourt ; prix de l’Académie Française), parce qu’aucun livre proposé à ce moment-là n’osait aborder un sujet d’une telle ampleur en tenant la distance.
Des rumeurs ont circulé dans le petit monde de l’édition sur le fait que le manuscrit de Jonathan LITTEL aurait été remanié par l’éditeur : peu nous importe aujourd’hui. De même, des articles ont souligné les erreurs historiques : nous citons par exemple la critique de Edouard HUSSON (« les bienveillantes, un canular déplacé », Figaro du 8 novembre 2006), dont la radicalité nuit à l’adhésion de sa thèse.
En refermant le livre, nous étions estomaqués par le fait que notre attention avait été maintenue jusqu’au bout, mais nous étions perplexes devant le choix de l’auteur pour un « nazi intellectuel », alors que son projet initial était de nous présenter un nazi ordinaire et ses actes : la contradiction est forte.
"Un nazi bien trop subtil", est le titre d'une critique de Josselin BORDAT et Antoine VITKINE dans Libération du 9 novembre 2006 : elle analyse en détail notre réserve.
De plus, le héros Max Aue n'est pas un homme ordinaire : nous pouvons dire que pour le commun des mortels, c'est encore un "monstre".
Ce roman est donc un échec littéraire, parce qu’il ne répond pas au projet initial de l'auteur : il en est même l’opposé.
Le roman d'un bourreau nazi ordinaire, replacé dans son contexte historique comme le fait LITTEL, reste à écrire : mais est-ce possible ?
Alexandre Anizy