La Chine est un dragon de papier (VI)

Publié le par Alexandre Anizy

Dans les années 80, le monde des affaires enviait les NPI asiatiques (Corée du Sud, Japon, Taïwan, Singapour, Hong-Kong), et les économistes écrivaient beaucoup d’articles pour les revues spécialisées et les colloques, à cause notamment de leurs taux de croissance à 2 chiffres, leurs parts de marché en expansion, leurs produits submergeant les vieilles économies. Et puis la crise frappa ces pays et brisa cette vague d’admiration. Il semble que le phénomène se soit reproduit avec la Chine.

Rappelons quelques éléments.

« Chez les dragons et les tigres, comme en Chine maintenant, l’Etat jouait les premiers rôles dans l’ordonnancement économique, primat était donné aux industries d’exportation et les investissements étrangers représentaient le principal moteur de la croissance. La compétitivité de leurs produits reposait aussi, en grande partie, sur une main d’œuvre abondante, disciplinée et peu coûteuse. » (Thierry WOLTON, le grand bluff chinois, page 156).

Résumons l’enchaînement des faits qui provoquèrent l’arrêt brutal du développement de ces NPI : une perte de confiance des investisseurs (des travailleurs peu qualifiés dont les salaires augmentent, une productivité médiocre, des produits de qualité faible, l’absence de personnel qualifié, le poids excessif des capitaux étrangers, un environnement qui se dégrade… : toutes ces informations finissent par arriver au cerveau des décideurs et des traders moutonniers) qui provoque une crise boursière se transformant en crise financière avec la découverte des créances douteuses dans les bilans des banques locales, ce qui aboutit à une crise économique qui met en évidence la mauvaise gestion (gouvernance dit-on aujourd’hui) des grandes entreprises qui inondaient les marchés occidentaux avec leurs produits « à petits prix »…

Pourquoi la Chine n’a-t-elle pas été touchée par cette crise asiatique ? Parce que sa monnaie est quasiment inconvertible, parce qu’elle n’a pas de bourse locale significative, ce qui lui évita l’effondrement des valeurs.

Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

En bons marxistes léninistes, les dirigeants chinois ont privilégié le développement des forces productives, l’industrialisation à outrance : ils sont scotchés au stade secondaire (l’industrie) quand le mode de production capitaliste a changé (d’aucuns parlent de « capitalisme cognitif ») avec une croissance provenant essentiellement du secteur tertiaire. La Chine s’est condamnée à devenir l’atelier du monde.

Mais pour ce faire, « En raison de son parc industriel vieillot et de sa main d’œuvre peu qualifiée, la Chine utilise 2 fois plus d’énergie que les autres pays d’Asie – 7 fois plus que le Japon – pour produire une unité de PIB. Le pétrole est au cœur du problème. (…) Le pays est condamné à (en) importer toujours plus pour satisfaire une consommation qui devrait augmenter de 80 % d’ici à 2010.» (T. WOLTON, idem, page 159)

Tous les ans, la Chine connaît des pannes d’énergie généralisées dans quasiment toutes les régions, des arrêts de production de plusieurs jours  dans de grandes entreprises : c’est le signe avant-coureur de la crise à venir. Faute de ressources suffisantes dans le monde, la Chine ne peut pas reproduire le modèle économique des grands pays industriels qui est fondé sur les sources d’énergie fossiles et l’exploitation des sous-sols.

L’économie chinoise va donc s’enrayer avant que d’être florissante.

Ecologiquement, la Chine est gravement malade (puisqu’elle a suivi l’exemple du grand frère russe communiste). Exemples : 70 % des eaux usées du pays entier ne sont pas traitées ; les déchets sont généralement enfouis sous terre ; pour les ¾ des rivières, la pêche est impossible et l’eau ne peut servir à l’irrigation.

Démographiquement, l’horizon va vite s’assombrir. En 2040, la Chine comptera 430 millions de vieux, soit 30 % du total. En moins de 20 ans, la Chine passera d’une population adulte à une population vieillissante.

L’endettement est une grosse menace économique : la dette publique chinoise est évaluée à 70 ou 150 % du PIB, selon les estimations. Les prélèvements obligatoires augmentent plus vite que le PIB. Les investisseurs étrangers n’aiment pas ce genre de statistiques.

Concernant les brevets, le score chinois n’est pas folichon : 0,3 % du stock des brevets internationaux, contre 35,6 % pour les USA et contre 25,6 % pour le Japon. Les 2/3 des brevets déposés par la Chine sont étrangers.

Selon l’OCDE, les dépenses de Recherche et Développement s’élèvent à 136 Milliards USD pour la Chine, soit un peu plus que le Japon (130 Milliards USD), mais moins que l’Union Européenne (230 Milliards USD) et surtout que les USA (330 Milliards USD). De plus, la priorité est donnée au développement et non pas à la recherche fondamentale.

 
En conclusion, nous pensons que si la Chine est l’avenir du monde, on peut être certain que ce ne sera pas le paradis. Mais reprenons ici l’alternative présentée par Thierry WOLTON : « De 2 choses l’une, ou la République Populaire réussit son pari et devient la 1ère puissance de notre planète – ce qui est douteux -, alors, nous n’avons pas fini d’en souffrir, ou la bulle économique se dégonfle et le pays s’effondre, provoquant un vaste trou noir qui aspirera une partie de l’économie mondiale. » (T. WOLTON, ibid., page 182)

Alexandre Anizy

P.s : à suivre, note VII.
Et prochainement, sur ce sujet, une note sur le MPC.