Bientôt le protectionnisme ?
De nos jours, poser la question d’un retour au protectionnisme ou plus exactement oser remettre en cause le libre échangisme vous classe immédiatement parmi les extrémistes, de gauche ou de droite, ou bien un archaïque.
La question centrale est la suivante : le libre échange avec la Chine, par exemple, devrait permettre aux consommateurs européens d’obtenir des produits manufacturés à des prix inférieurs à ceux offerts par les unités de production européennes. Est-ce vraiment le cas ? Par exemple, le jouet qui était fabriqué dans le Jura et acheté toutes taxes comprises 100 € en France, lorsque sa production est délocalisée en Chine, à quel prix TTC revient-il sur le marché ? Globalement, on ne peut pas dire que ces produits reviennent avec une baisse de 5 % : les consommateurs n’ont pas vu ce mouvement général de baisse des prix, ce que l’indice INSEE a confirmé.
Ce qu’on observe, c’est : les usines européennes ferment et les emplois industriels diminuent ; les produits importés n’apportent pas de bénéfices monétaires aux consommateurs. C’est un jeu perdant-perdant.
« Dans nos relations avec la Chine, nous ne profitons pas des supposés bénéfices du libre échange. C’est pour cela que le retour d’un nouveau protectionnisme est inéluctable. » Jean-Luc GRéAU (in Libération du 9 juillet 2007, page 14) J-L GRéAU n’a rien d’un hurluberlu : c’est un ancien lobbyiste au CNPF puis MEDEF, qu’il a quitté en 2004.
Il précise : « Le problème c’est que ces nouveaux pays (il parle de la Chine et de l’Inde, A.A.) ont choisi un mode de développement qui privilégie la croissance de leurs exportations au détriment de l’énorme potentiel de leur demande intérieure et donc d’un certain progrès social. »
En effet, on sait que la pauvreté a augmenté en Chine : voir nos notes sur le bluff chinois.
3 décisions majeures de la Chine montrent que les choses n’évolueront pas autrement :
- Hausse de 30 % des droits de douane à l’importation de certains biens d’équipement ;
- Création d’une société à capitaux publics pour construire demain un avion de ligne chinois concurrent de Boeing et Airbus ;
- Investissements sur les marchés financiers en utilisant une partie des réserves de change.
Pendant ce temps, l’Europe continue à se dépiauter.
Ce n’est pas le cas des USA. Par exemple, Hillary CLINTON et Barack OBAMA ont dans leurs programmes une proposition de loi visant à taxer les produits importés de Chine tant que ce pays n’aura pas réévalué sa monnaie (le yuan). Pourquoi ? Pour aller vite et en dernière analyse, c’est parce qu’« il n’est pas tenable dans un pays à forte croissance que depuis 30 ans les salaires réels des travailleurs peu ou pas qualifiés, soit un tiers des gens, stagnent. Cela crée des tensions et commence à affecter la classe moyenne. » Jeffry FRIEDEN (Professeur à Harvard) (in Figaro du 11 juillet 2007).
Les Américains ont laissé depuis longtemps aux Européens le soin d’appliquer aveuglément chez eux l’idéologie qu’il véhicule par ailleurs pour dominer les échanges : chez eux, le pragmatisme règne toujours, même chez les politiques. Par exemple, il est absurde de prétendre que REAGAN avait instauré une politique de l’offre.
Mais pour les eurocrates libéraux comme Nelly KROES, Peter MANDELSON ou Alistair DARLING (nouveau ministre des Finances anglais), c’est pêle-mêle «une politique purement défensive », « la concurrence n’est pas un gros mot », « le patriotisme économique est une absurdité ».
Quant au social-traître Pascal LAMY, directeur général de l’OMC, il affirme que « la mission de l’institution (l’OMC, A.A.) correspond à mes engagements : réguler les échanges pour faire reculer la pauvreté » (in Libération du 29 septembre 2007).