La question du pétrole (II)
En 1965, la Libye est le 6ème exportateur de pétrole avec 10 % du total exporté. En 1967, elle produit 3 millions de barils par jour et 2 ans plus tard, elle dépasse l’Arabie Saoudite.
C’est l’américain Armand HAMMER avec sa société Occidental Petroleum qui touche le jackpot en forant dans ce pays : « Le cours de l’action Occidental Petroleum ressemble à la trajectoire d’une comète, passant de 90 cents à 100 dollars. (…) La guerre des Six Jours et la fermeture du canal de Suez vont décupler les atouts stratégiques que détient HAMMER. » (Eric LAURENT, la face cachée du pétrole, pocket 2007, p.135)
KADHAFI prend le pouvoir le 1 septembre 1969 : il demande immédiatement aux Forces Américaines de quitter le territoire, ce que le Président NIXON accepte en espérant ainsi sauvegarder les intérêts pétroliers. Mais KADHAFI est bien décidé à nationaliser toutes les compagnies pétrolières en Libye : pour cela, il choisit de s’attaquer en premier, et seule, à Occidental Petroleum, parce que cette firme cédera plus facilement que les autres à un ultimatum, puisqu’elle n’a pas de source d’approvisionnement de remplacement.
Et en effet, HAMMER ne trouvera aucun secours du côté de l’industrie pétrolière, qui commet là une erreur fatale, parce qu’étant acculé, HAMMER va négocier avec les Libyens. A partir du 30 août 1970, il quitte l’hôtel Ritz de Paris à 6 heures pour s’embarquer dans un avion de location (et non pas le sien) en direction de la Libye d’où il revient tous les soirs : HAMMER craignait d’être pris en otage. Son interlocuteur est le Premier Ministre Abdessalam JALLOUD.
Le 14 septembre 1970, Occidental Petroleum, 8ème compagnie mondiale, signe un accord qui stipule qu’elle va payer un supplément de 30 cents par baril, et son taux d’imposition passera de 50 à 58 %.
En 1973, Occidental Petroleum cède 51 % de son capital à la Libye pour la coquette somme de 136 millions USD.
Que s’est-il passé en 1973 ? Eric LAURENT nous donne les informations pour une autre lecture de la crise.
« Depuis 2 ans, les responsables de l’industrie pétrolières ne cachent pas que les investissements futurs exigeront des sommes énormes, qui ne pourront être obtenues que par une augmentation notable des prix. » (p.150) A Rome en 1973, David ROCKFELLER, Président de la Chase Manhattan Bank, estime à 3 trilliards USD les besoins financiers des firmes pétrolières pour les investissements des années à venir.
Dès 1971, une commission formée par NIXON travaille sous la direction du Général G.A. LINCOLN à la politique énergétique américaine : elle conclue d’une part sur la nécessité pour les USA de provoquer une hausse du prix du pétrole importé, ce qui aura pour effet de stabiliser les prix intérieurs à un niveau élevé qui inciteront les financiers à développer les ressources nationales d’énergie, et d’autre part sur la recommandation d’un assainissement des relations avec les pays exportateurs pour éviter toute perturbation dans les approvisionnements.
Le 28 juin 1973, le Secrétaire d’Etat aux Finances William SIMON déclare : « Les USA se sont assignés pour objectif prioritaire l’adoption d’un plan d’action visant à réduire leur dépendance [énergétique] vis-à-vis de l’étranger » (cité p.156)
En 2006, dans son discours sur l’état de l’Union, G.W. BUSH tiendra quasiment mot pour mot les mêmes propos.
Selon Eric LAURENT, une étrange mise en conditionnement débute dans l’hiver 1972-1973, avec des signes de pénurie dans plusieurs Etats américains.
Curieusement, comme en 2000, juste avant l’élection de G.W. BUSH.
Utilisant ces pénuries locales, les pétroliers lancent des campagnes pour dramatiser la crise : la faute au Congrès, aux écologistes, qui ont maintenu des prix bas, qui ont découragé l’investissement en bloquant certains projets (comme l’oléoduc d’Alaska), etc. C’est un matraquage publicitaire, qui préconise la hausse des prix pour ne plus être dépendant des étrangers.
En 1974, grâce au quadruplement des prix du pétrole, les 30 premières firmes pétrolières mondiales vont accroître leurs bénéfices de 71 %, quand le volume des ventes n’augmente que de 10 %.
Le choc pétrolier d’octobre 1973 rend à nouveau attractifs ces projets, i.e. économiquement et commercialement viables. Comme les gisements de la Mer du Nord par exemple.
1973 : ce fut un hasard miraculeux.
A suivre … la question du pétrole (III)