La question du pétrole (III)

Publié le par Alexandre Anizy

(Lire les notes (I) du 10 octobre et (II) du 18 octobre 2007)

Sans l’Arabie Saoudite, l’OPEP n’existe plus et la prospérité occidentale s’évanouit. Alors, dans les années 1970, quelle est la réalité pétrolière de ce pays ?

Si l’Arabie Saoudite est supposée détenir 25 % des réserves mondiales de pétrole, sa structure d’exploitation est particulière : « 90 % de la production saoudienne proviennent de 6 gisements géants concentrés dans une zone minuscule du royaume, l’équivalent d’une petite portion de l’Etat américain de l’Utah. Le plus impressionnant d’entre eux est Ghawar (…). Selon les experts, le gisement abrite 17 % de toutes les réserves en pétrole accessibles de la planète. » Eric LAURENT, la face cachée du pétrole, pocket 2007, p.184.

Entre 1973 et 1976, les 4 compagnies américaines (Exxon, Texaco, Mobil, Chevron) ont peur d’être nationalisées (ce qui arrivera à hauteur de 60 % en 1976) et elles veulent profiter au maximum de la hausse du prix du pétrole : elles augmentent fortement la production, au mépris des normes techniques de pompage et de préservation. Les procédures indispensables de pressurisation des puits ne sont pas appliquées, ce qui provoquent des difficultés techniques. Ceci est révélé par Jack ANDERSON. (cité par E. LAURENT)

Pire : un rapport secret de Chevron affirme que cette surproduction effrénée au mépris des règles endommagent le champ de Ghawar et celui de d’Abqaiq !

En plus de l’appétit du gain, les dirigeants pétroliers ont la conviction que l’Arabie Saoudite peut produire 20 à 25 millions de barils par jour. Lorsque les problèmes évoqués ci-dessus surgissent, les prévisions sont abaissées à 16 millions, puis à nouveau corrigées à 12 millions.

 
En 1979, Seymour HERSH publie un article fondé sur des documents internes à Exxon et Chevron (2 membres de l’Aramco). C’est un tableau inquiétant de la situation pétrolière saoudienne : l’état des réserves permettrait de produire 14 à 16 millions de barils par jour pendant moins 10 ans, niveau estimé nécessaire pour éviter les ruptures d’approvisionnement dans les pays consommateurs. Ces documents sont transmis à la Commission des Affaires étrangères du Sénat américain, avec une étude détaillée réalisée à la demande du gouvernement saoudien.

Cette étude prévoit « (…) au début des années 1970, que si le rythme quotidien ne dépasse pas 8,5 millions de barils/jour, la production totale déclinera en l’an 2000. (…) La dernière projection est la plus inquiétante : avec un rythme d’extraction de 14 ou 16 millions de barils/jour, le pétrole saoudien atteindra son « pic » (niveau maximum) dans un délai de 6 ou 10 ans, avant de décliner rapidement. » (E. LAURENT, déjà cité, p.187)

En 1970, l’Arabie Saoudite représente 13 % des exportations mondiales de pétrole ; en 1973, la part est de 21 %.
En 1972, ce royaume produit 5,4 millions de barils/jour pour atteindre 8,4 millions à la veille du choc d’octobre 1973.

Au plus fort du second choc pétrolier de 1979 provoqué par l’arrêt des exportations iraniennes, « (…) le niveau de la production saoudienne ne dépassera jamais 10 millions de barils, alors que sur le marché, totalement paniqué, le baril crève le plafond des 40 dollars. Hormis cette brève pointe à 10 millions de barils/jour, l’Arabie Saoudite maintient son niveau de production à 8,5 millions de barils, malgré les supplications de Jimmy CARTER (…) » (E. LAURENT, déjà cité, p.189)

 
Parce qu’elle est informée de l’état réel de ses réserves, la famille royale saoudienne pense à sa survie.

 
Alexandre Anizy
A suivre … la question du pétrole (IV)

Publié dans Notes économiques

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