La question du pétrole (VI)

Publié le par Alexandre Anizy

(Lire les notes (I) du 10 octobre, (II) du 18 octobre, (III) du 26 octobre, (IV) du 1 novembre, (V) du 5 novembre)

 
Quelle est la situation réelle de l’industrie du pétrole aujourd’hui ?

Les experts de l’Aramco (le consortium américain qui exploite le pétrole saoudien) estime que la capacité de production de l’Arabie Saoudite s’élèvera à 10,15 millions de barils/jour en 2011.

Les experts du ministère américain de l’énergie estime quant à eux que pour satisfaire la Demande l’Arabie devra extraire 13,6 millions en 2010 et 19,5 millions en 2020. En admettant que ces projections soient correctes, qu’en est-il de la faisabilité d’un tel niveau de production ?

« J’ai fait un constat effarant en progressant dans mon enquête : les chiffres concernant l’ampleur réelle des ressources pétrolières mondiales sont faux, qu’ils émanent des pays producteurs ou des compagnies pétrolières. Une véritable conspiration du silence et du mensonge. »  (Eric LAURENT, la face cachée du pétrole,  pocket 2007, p.260)

 
1ère découverte : les réserves totales des pays de l’OPEP ont connu une croissance de 65 %, passant de 467,3Milliards de barils en 1982 à 771,9 Milliards de barils en 1991, sans aucune découverte importante pouvant justifier cet écart !

En fait, grâce à un nouveau système d’évaluation en 1986, les réserves prouvées de l’Arabie Saoudite passent de 169 à 260 Milliards, celles de l’Irak de 49 à 100 milliards, etc. C’est un simple jeu d’écriture sans rapport avec la réalité.

En 2003, l’Iran a réévalué ses réserves : + 35,7 %. Explication : une amélioration du taux de récupération du pétrole, ce qui a suscité l’incrédulité chez tous les experts.

 
Pour Colin CAMPBELL, un homme du sérail devenu dissident (géologue britannique ayant travaillé pour Texaco, BP et Aramco) qui a fondé l’Association for the Study of Peak Oil (ASPO ; www.peakoil.net ) avec le français Jean LAHERRèRE à ses côtés, 46 % des ressources officielles sont fausses.

Que disent les spécialistes à la 2ème conférence sur le pic pétrolier organisée en 2003 par ASPO dans les locaux de l’Institut Français du Pétrole, et financée en partie par Total et Schlumberger ?

Exposé d’Olivier APPERT, Président de l’IFP (résumé par Eric LAURENT, déjà cité, p.265) : la production pétrolière mondiale diminue de 5 à 10 % par an, quand la demande croissante nécessite 60 millions de barils/jour de capacité supplémentaire.   

Matthew SIMMONS, banquier texan : « Ce que le pic pétrolier signifie réellement, en termes d’énergie, c’est qu’une fois atteint, il en sera fini de l’augmentation de l’approvisionnement (…). Il suggère aussi des prix de l’énergie élevée dans le futur. »

 

Concernant le pic pétrolier, il existe 2 écoles : ceux qui pensent qu’il se produira en 2010-2012, et ceux qui pensent qu’il s’est produit en 2005-2007.

Rappelons des faits : en 1999, le pic de production en Grande-Bretagne entraîne le pic de toute la Mer du Nord ; en 2001, la Norvège entame son déclin et celui de l’ensemble de la production des pays occidentaux (Amérique du Nord et Europe).

La production mondiale de pétrole stagne depuis fin 2004 autour de 84-85 millions de barils /jour. En 2005-2006, la consommation mondiale est en dessous de ce chiffre. Mais après septembre 2006, la consommation mondiale dépasse la production, ce qui provoque une baisse des stocks dans les pays industrialisés.

Printemps 2007 : rééquilibrage « saisonnier » du marché pétrolier.

Prévision pour le 3ème trimestre 2007 : l’Agence Internationale pour l’Energie (AIE) estime la consommation mondiale à 86,2 mb/j puis 88 mb/j au 4ème trimestre. La consommation mondiale ne devrait plus redescendre à 84-85 mb/j.

Dans ces conditions, la consommation mondiale devra être bridée soit par une forte hausse des prix du pétrole, soit par un ralentissement de l’activité économique provoqué par l’éclatement de la bulle immobilière aux USA par exemple.

 
La thèse d’Emmanuel BROTO, fondateur du site « Terre de brut », est que la période de transition 2004-2007 s’est achevée en juillet 2007 par le dépassement de l’offre par la demande : la hausse actuelle des prix en serait la confirmation. Toutes choses égales par ailleurs, plus les capacités de production diminueront, plus les prix augmenteront pour provoquer une récession économique ramenant la consommation au niveau de l’offre.

La thèse d’Emmanuel BROTO s’inscrit dans les analyses de Mr. BAKHTIARI, ingénieur (en retraite) au sein de la Société nationale iranienne du pétrole, qui prévoyait que la production de pétrole atteindrait un pic durant l’année 2006 puis déclinerait en 4 phases de 3 à 5 ans jusqu’en 2020 : chaque phase ayant un taux de baisse de plus en plus important.
Les prévisions de M. BAKHTIARI seraient confirmées si le niveau de la production mondiale de juillet 2006 n’était plus dépassé.
Pour Emmanuel BROTO, en juillet 2007, nous sommes dans la phase 1, au point d’impact entre l’offre et la demande.

 
Préparons nos mouchoirs … et nos porte-monnaie !

 
Alexandre Anizy