Avec Goran Petrović qui s'égare
Incontestablement, comme on peut le remarquer avec son cinéroman « sous un ciel qui s'écaille » (les allusifs 2010, 192 pages, 16 €), l'écrivain serbe Goran Petrovića un ton personnel, une manière d'écrire les choses où l'humour, l'ironie, la bouffonnerie font bon ménage.
Citons pour exemple le titre d'un chapitre :
« Même au paradis, les gens colleraient partout leurs chewing-gums » (p.27)
Et plus longuement :
« Soit dit en passant, le camarade Avramovitch levait aussi sans raison la main droite en d'autres situations : lors d'une promenade en ville ou dans un jardin public, au marché, pendant qu'il lisait son journal, regardait la télévision, se tenait assis sur son balcon, flemmardait allongé sur son lit matrimonial, et il l'a même levée à l'église de la Trinité, le jour où il a fini par s'y rendre, quand sa femme, après l'avoir harcelé pendant des semaines, a réussi à le décider d'aller assister au baptême de l'enfant d'un proche parent. Avramovitch n'a cédé que pour préserver la paix du ménage, cette cellule fondamentale de la société. Il s'est habillé avec soin, a garni la poche de poitrine de son veston de ses neuf stylo-billes. » (p.46)
Pour autant, Goran Petrović a-t-il un style, i.e. une vision du monde ou plus modestement de l'existence humaine ? Non. Du moins dans son cinéroman, où il enquille les personnages sans leur donner une véritable consistance.
C'est pourquoi au fil des pages de cette galerie de portraits, l'intérêt du lecteur s'étiole comme la poiscaille qui s'écaille.
Alexandre Anizy