"Ces deux hommes" de Slobodan Selenić
Avec « ces deux hommes » de Slobodan Selenić (Robert Laffont, janvier 1991, 301 pages, 130 FRF), nous sommes à nouveau face à une œuvre de qualité, mais un cran en-dessous de celles que nous avons évoquées ici.
http://www.alexandreanizy.com/article-sous-le-soleil-de-slobodan-seleni-46906180.html
L'histoire se passe à Belgrade, dans l'agitation de l'immédiat après-guerre (1945) : le vieux monde représenté par le bourgeois Vladan prend sous son aile protectrice une jeune pousse symbolisée par le kosovar Istref, issu d'un monde pastoral également en voie de disparition.
L'architectonique est brillante, comme le style. L'incipit offre par son rythme et par ses circonvolutions un aperçu saisissant de l'ouvrage :
« Il remarqua la grosse enveloppe jaune sur son bureau dès qu'il passa la tête par la porte entrouverte pour vérifier si l'un des enfants n'était pas pelotonné dans le grand fauteuil où il aimait tant à se prélasser en son absence, et malgré son interdiction, ou peut-être justement en raison de celle-ci, Tanja, Alija et même, ces derniers temps, le petit Čakar. [prononcer « tchakar », ndAA] »
Pourquoi n'est-ce pas un autre chef d’œuvre de Slobodan Selenić ?
Si dans la lente montée vers la confrontation l'opposition des caractères est soigneusement disséquée, la dimension sociale (le conflit entre le monde vieux et le neuf) n'est pas traitée à sa juste mesure : un manque qui cantonne trop le roman dans la sphère psychologique.
Mais un Selenić en demi-teinte vaut largement dix Angot réussis (oxymoron) !
Alexandre Anizy