Chef d'oeuvre : Boris Pahor, pèlerin parmi les ombres (Nekropola)

Publié le par Alexandre Anizy

Le slovène Boris Pahor a écrit un chef d’œuvre (1) : Pèlerin parmi les ombres (titre original : Nekropola), en collection poche de la Table ronde (8,70 €). Il raconte les camps de concentration et d’extermination de la Seconde Guerre mondiale, aussi bien (d’un strict point de vue littéraire) que le fit Primo Levi dans Si c’est un homme, ou bien encore Imre Kertész dans Être sans Destin. Chacun de ces trois récits part d’un angle différent : ils nous paraissent complémentaires.

 

Nous nous souvenons que des historiens s’interrogeaient sur le silence des rescapés, tout en admettant d’emblée combien il leur semblait difficile de narrer l’indicible horreur. Au cours de son récit, Boris Pahor parle à un moment d’impudeur, et cet argument peut aussi expliquer en partie ce silence :

« En cet instant, j’aimerais dire quelque chose à mes anciens camarades mais j’ai l’impression que tout ce que je leur dirai en pensée sera faux. Je suis vivant, voilà pourquoi mes sentiments les plus sincères sont quelque part impudiques. » (p.120)

Un autre argument, terrible, est celui de l’application inversée du principe salvateur dans cet enfer :

« Car la première condition pour survivre un minimum est la suppression radicale de toutes les images qui n’appartiennent pas à l’empire du mal. » (p.35)

 

En écrivant ces lignes, nous nous interrogeons sur ce que Boris Pahor a pu penser de l’éclatement de la Yougoslavie et son cortège de monstruosités.

 

 

Alexandre Anizy

  

 

(1) Comme Primo Levi, Pahor dut publier à compte d’auteur le récit de sa traversée de l’enfer… c’est dire l’aveuglement des éditeurs, lorsqu’ils sont prisonniers de leur logique marchande.