Crise de la mondialisation (I) : contre Daniel Cohen

Publié le par Alexandre Anizy

 

A notre avis, Daniel Cohen est un bon exemple français de ce qu'est un économiste de la théorie dominante. Nous ne devons pas être les seuls à le croire, puisque les médias le consultent régulièrement dès qu'ils veulent dépasser « le kit de propagande » de la pensée unique. Et pourtant, son message s'insère dans le moule.


« J'analyse cette crise multiple comme une maladie infantile de la mondialisation, (…). Je ne crois pas qu'une rupture de modèle soit à venir. » (le Monde du 8 décembre 2009)

Avec Daniel Cohen, la mondialisation n'est pas heureuse parce qu'elle connaît sa première crise infantile qui « manifeste notre incapacité collective à comprendre et à penser les multiples interdépendances dans lesquelles nous vivons aujourd'hui ».

Mais alors, que faire ?

« Ce dont nous avons besoin aujourd'hui est d'élaborer les régulations qui permettront de maîtriser ces interdépendances. » Dit autrement : « Nous devons trouver les règles de la mondialisation. »

Absolument rien d'original : on croirait lire un texte du noble Olivier Pastré, l'économiste en cercle.

(lire notre note http://www.alexandreanizy.com/article-l-hypocrisie-du-noble-olivier-pastre-economiste-en-cercle-39931815.html )


Si chacun a ses propres contradictions, en voici une chez Daniel Cohen :

« Première utopie, l'idée qu'on réussira à fixer des règles mondiales, garantes de l'équilibre de la planète. (…) Le rêve kantien de fixer des normes universelles n'est qu'un rêve. Il faut pourtant continuer d'agir comme si c'était possible (...) » (Nouvel Observateur du 7 janvier 2010)

On pense alors au Sisyphe d'Albert Camus : Daniel Cohen serait-il un « économiste absurde » ?


Mais encore, monsieur Cohen ?

« Le problème des régulateurs, des banques centrales, n'est plus, comme autrefois, de combattre l'inflation, pathologie typique du modèle économique précédent, mais de prévenir l'envolée du prix des actifs. »

Intéressant, mais Patrick Artus l'écrivait déjà en août 2007.

(lire les 8 notes titrées « les archaïques des banques centrales », commençant par http://www.alexandreanizy.com/article-7264243.html )



Parlons alors du « nouveau modèle économique » qui aurait émergé selon Daniel Cohen.

« Comme toute rupture par rapport à un mode de production antérieure, la mondialisation allie une innovation technologique majeure à une nouvelle organisation du travail. (…) La mondialisation est le fruit de l'informatique et de la nouvelle division du travail qu'elle permet, en désintégrant la chaîne de création de valeur à l'échelle de la planète. »

Outre que cette analyse nous fait vaguement penser à des travaux de Robert Boyer dans les années 80 (en ce temps-là au Cepremap, que dirige maintenant Daniel Cohen), elle renvoie aussi et surtout à la théorie du capitalisme cognitif : lire Yann Moulier Boutang, « le capitalisme cognitif. La nouvelle grande transformation » (éditions Amsterdam, juin 2007, 246 pages, 10 €) Obnubilés par la technique, les tenants de cette théorie ont finement ciselé le cadre d'analyse marxiste, sans nous convaincre de la pertinence d'un nouveau modèle économique.


Pour faire simple, nous disons que Daniel Cohen se trompe totalement en parlant d'un nouveau modèle économique dans le phénomène de la mondialisation : c'est ce que nous allons voir avec Maurice Allais. Nous constatons aussi que Daniel Cohen ne préconise rien d'original par rapport aux tenants de la pensée économique unique. Cependant, il présente un profil d'intellectuel curieux (ah ! la « révolution anthropologique » !), voire « d'économiste absurde », qui le singularise et le rend sympathique.



Alexandre Anizy