Crise : retour au réel avec Edwin Le Héron et Jean-Paul Fitoussi
En 2008, le système bancaire était bloqué : les banques ne voulaient plus se prêter de l’argent entre elles. Les BC ont donc alimenté massivement le marché monétaire, puis commencé à racheter les actifs pourris pour purger les bilans des banques. Où en est-on ?
Le désinvolte politicien ami des patrons du CAC 40 Dominique Strauss-Kahn, boss du FMI par la grâce du Chef, a déclaré tout récemment que 50 % des déchets sont encore cachés dans le bilan des banques. C’est dire l’ampleur du futur nettoyage ; c’est aussi avouer l’opacité d’un système dominateur, comme le dit à sa manière le keynésien Jean-Paul Fitoussi : « Le système financier n’est pas plus transparent qu’il ne l’était avant la crise. »
Les banques centrales (BC) ont injecté des flots de cash dans le système financier : « A présent, la liquidité croît plus vite qu’avant la crise. Elle augmente de 30 % par an, contre 15 % entre 1990 et 2007. » (Patrick Artus). Où vont ces liquidités ? Les banques, les « hedge funds », les fonds de pension, retournent avec cet argent sur les marchés pour spéculer, notamment avec la technique du « carry-trade » (emprunter dans une monnaie à faible taux d’intérêt – le dollar par exemple - pour investir dans des actifs libellés dans une monnaie à taux d’intérêt plus élevé) : l’économiste américain Nouriel Roubini (le seul qui avait décrit la crise des « subprimes » avant son explosion) a calculé que les spéculateurs peuvent même gagner de l’argent avec des actifs non rentables. C’est dire la folie qui ronge les cerveaux dans les centres financiers.
« L’afflux de capitaux ne crée plus des hausses de prix à la consommation comme autrefois, mais plutôt des bulles d’actifs et de crédit. Il faudrait donc que les grands argentiers se penchent sérieusement sur ces dérives. » (Patrick Artus). Mais comme rien n’a changé à la Fed, la BCE etc., i.e. ni la doctrine ni les hommes, on peut considérer que les choses décrites par cet auteur dans le livre titré « les incendiaires. Les banques centrales dépassées par la globalisation » (édition Perrin août 2007, 175 pages, 14,80 €) se reproduiront.
(lire http://www.alexandreanizy.com/article-7264243.html la 1ère des 8 notes publiées en novembre et décembre 2007)
Pendant que les Etats et les BC écopent les soutes de la barque mondiale, les amiraux de la finance ont déjà rouvert le casino sur le pont : « En revanche, les banques, elles, profitent à plein régime du sauvetage organisé par les Etats. », dixit Jean-Paul Fitoussi.
Force est de constater que nous sommes aujourd’hui plus que jamais dans le cas de figure d’un marché spéculatif (Edwin Le Héron le définit comme celui où la plus-value anticipée est la part dominante du rendement anticipé des actions, par opposition au marché d’entreprise où le dividende est la part dominante du rendement anticipé des actions). La fonction du secteur bancaire est de financer l’activité économique.
Rappel : (Edwin Le Héron) « Le pôle Banque est constitué de 2 entités : des banques de second rang qui créent la monnaie pour le financement de l’économie (crédit ou achat de titres sur les marchés financiers) et une banque centrale, qui cherche à maintenir la qualité du signe monétaire. » ;
En tant que producteur de la monnaie (un bien social), le secteur bancaire devrait être au service de la société. Est-ce le cas aujourd’hui ? Non.
C’est pourquoi nous avions placé en préambule à notre présentation de l’article d’Edwin Le Héron « la Préférence pour la Liquidité des banques : une analyse postkeynésienne du comportement bancaire », la note « Que font réellement les banques ? » ( http://www.alexandreanizy.com/article-que-font-reellement-les-banques--40418510.html ), où nous rapportions les exhortations aux banques du boss de la FED Bern Bernanke, de l’euro imperator Jean-Claude Trichet de la BCE, de la chancelière allemande Mutti Merkel, et même de l’incompétent ministre de l’économie Christine Lagarde, pour soutenir les signes ténus d’une reprise évanescente.
Ce sont des appels en vain. Edwin Le Héron donne les outils théoriques pour le comprendre.
« D’abord, les faits : la croissance, dans nos pays, ne repart pas et le chômage, considérable, réduit la capacité des gens à consommer et à rembourser leurs crédits. En France, 4,7 millions de personne sont en situation de ne pas avoir autant d’heures de travail qu’elles le souhaitent (…) Aux Etats-Unis, 17,5 % de la population sont dans ce cas, et ceux qui travaillent ne sont occupés en moyenne que 33 heures par semaine. Le commerce international se contracte. » (dixit Jacques Attali).
« Aux Etats-Unis, avec un poids économique de 10 %, le secteur financier s’arroge près de 40 % des bénéfices. Il y a quelque chose qui ne va pas dans cet état du monde. » (dixit Jean-Paul Fitoussi).
En effet.
Aujourd’hui, la bêtise et l’immoralité sévit sur les marchés. L’incompétence des agences de notation, les mêmes qui en 2007 décernaient des notes excellentes à des produits financiers pourris, s’est emparée des marchés de titres publics, en négatif cette fois-ci : en surévaluant leurs risques (de la Grèce, de l’Espagne, etc.), elles pourraient provoquer un approfondissement de la crise (leurs « mauvaises notes » contraignant les Etats à conduire des politiques d’austérité : une proposition confirmée en quelque sorte par Alain Minc, le libéral mondialiste heureux, lorsqu’il exhorte la France à défendre sa note AAA).
Alexandre Anizy