Démantèlement de l'UE : l'analyse de Jean-Claude Paye

Publié le par Alexandre Anizy

Le sociologue Jean-Claude Paye a publié dans l'humanité du 2 juillet 2010 un article intéressant, titré "crise de l'euro et démantèlement de l'Union européenne". Nous sommes tentés d'écrire "enfin une mise en perspective géopolitique" intelligente.


Selon lui, l'offensive contre l'euro est une action concertée et concentrée (à savoir l'abaissement des notes de la Grèce, du Portugal et de l'Espagne) des 3 agences de notation états-uniennes (Standard & Poor's, Moody's, et Fitsch – le fait que le capitaliste français Marc Ladreit de Lacharrière soit le propriétaire de cette dernière n'infirme pas cette thèse, puisque notamment 50 % des effectifs se trouvent hors de France), que l'appareil d'État américain a immédiatement relayée en parlant d'une future désintégration de la zone euro (dixit Paul Volcker, ancien président de la FED et conseiller économique de Barack Obama).

C'est une action à deux niveaux.

Sur le plan tactique, il s'agit de ramener aux États-Unis les capitaux étrangers (chinois notamment) qui s'égaraient vers l'euro. En effet, en 2009, l'afflux de capitaux aux États-Unis est devenu insuffisant pour compenser les déficits (concrètement : solde négatif de 398 Milliards de dollars).

Sur le plan stratégique, il s'agit d'initier « un mouvement de démantèlement de l'Union européenne au profit d'une union économique couvrant les deux continents, dont le projet de création d'un grand marché transatlantique est la manifestation la plus visible. » Avec ce 2ème objectif, l'attitude de l'Allemagne prend tout son sens.

En effet, la construction de l'Union européenne à partir de 1986 (i.e. l'infâme livre blanc du grand marché, présenté par la crapule socialiste Jacques Delors, assisté par le mal nommé Pascal Lamy), obéit aux règles allemandes et sert les intérêts du pays économiquement dominateur. Les avantages compétitifs de l'Allemagne ont joué pleinement depuis cette date, puisqu'en 2009 la zone euro en est arrivée à absorber 75 % des exportations allemandes.

Les hésitations de Mutti Merkel, les déclarations des politiques et des banquiers, ont servi objectivement les intérêts des assaillants américains. Mais pas seulement.

D'une part, la baisse de l'euro facilite évidemment les exportations allemandes hors de la zone euro. D'autre part, le financement des déficits se fait à meilleur compte puisque les obligations allemandes se placent avec un taux d'intérêt réduit.

Ce que nous appelons régulièrement dans nos notes "l'Union Allemande" appauvrissant inexorablement les partenaires européens de l'Allemagne, cette "fourmi"(selon la fable de Martin Wolf) a bien compris que l'avenir de son modèle mercantiliste se jouera sur le grand marché transatlantique et le marché mondial. C'est pourquoi sans vergogne l'Allemagne impose à tous les Européens une cure d'austérité dont elle sortira indemne, ce qui ne sera pas le cas d'autres pays, puisque son débouché privilégié (l'Europe) ne l'est plus.


En contrepartie du plan Marshall, les États-Unis demandait la construction d'un marché européen, qui deviendrait le débouché naturel de leurs exportations. Certains pays européens, comme la France, y ont vu l'opportunité stratégique de créer une 3ème force économique, politique, militaire, qui soulagerait le monde de la tension permanente USA / URSS, et d'autres non. Centre du projet américain, l'Allemagne n'y voyait pas de conflits avec ses propres objectifs, bien au contraire.

Aujourd'hui, l'offensive américaine visant à démanteler l'Union européenne est à nouveau appuyée par l'Allemagne, parce qu'elle s'intègre dans un schéma économique global en cohérence avec son modèle mercantiliste. Pour elle, il s'agira de reproduire le processus de la construction européenne dans cette édification d'une "union transatlantique".


Mais dans ce travail d'étouffement de l'idée européenne, l'Allemagne n'est pas seule, nous dit Jean-Claude Paye. La Commission et le Conseil européens y participent, notamment en négociant le transfert des données personnelles des citoyens européens vers les États-Unis. La création d'une base unique de données n'est-elle pas la meilleure 1ère pierre de l'édifice, d'un point de vue mercatique ?



L'analyse de Jean-Claude Paye nous semble très pertinente, parce qu'elle met en perspective géopolitique l'attitude allemande depuis le déclenchement de la crise de 2007, ce qui la rend du même coup intelligible.



Alexandre Anizy