Deux options pour l'euro selon Jean-Jacques Rosa et Philippe Villin
L'économiste libéral Jean-Jacques Rosa et Philippe Villin ont publié dans le Figaro du 21 février 2010 un article intéressant, où la question de l'euro est concrétement posée à partir des problèmes grecs et espagnols.
« Il ne fait aucun doute que le pays est piètrement géré. (…) Il faut même espérer que le gouvernement d'Athènes aura l'énergie nécessaire pour refuser la potion germanique de M. Trichet et Mme Merkel, qui assurerait à la Grèce de mourir guérie, mais toujours dans l'euro. Car le problème de la Grèce est d'abord et avant tout un problème de compétitivité. »
Avec un euro cher et une activité exportatrice limitée, ce pays est « incapable de vendre ses produits et ses services aux consommateurs extérieurs ». Inexorablement, les comptes extérieurs se dégradent … et les mesures d'austérité de la BCE ne résoudront rien à ce sujet.
« Le cas grec montre bien que la valeur extérieur de la monnaie de la maison Europe, qui convient à une Allemagne qui l'impose aux autres partenaires (…) est totalement inadaptée à une économie aux caractéristiques très différentes, comme celle de la Grèce. »
Le cas de l'Espagne est beaucoup plus grave, eu égard à sa taille économique et financière dans l'Europe. Ce pays est en dépression profonde : 20 % de la population active au chômage, avec des banques aux comptes douteux (Cf. leurs engagements dans le financement de l'immobilier). Or le « socialiste » Zapatero a décidé de mettre en oeuvre le traitement médecinal Trichet – Merkel : « (…) l'économie espagnole s'enfoncera dans une dépression aggravée, générant licenciements supplémentaires, faillites d'entreprises industrielles et commerciales et, in fine, probablement bancaires ... »
Seule une dévaluation de l'ordre de 30 à 50 % permettrait l'ajustement à un moindre coût, précipitant la reprise notamment en réactivant le marché immobilier. Dans l'autre cas, si l'Espagne s'effondre économiquement, c'est l'Europe qui est touchée.
Comment sortir de ce scénario noir ? Selon Rosa et Villin, il existe 2 options.
« La première consiste à reconnaître l'échec patent de l'euro. », parce que, par exemple, il a « contraint les pays qui l'ont choisi à s'ajuster sur une croissance inférieure à celle des autres pays européens restés en dehors de l'union monétaire ». Avec un taux de change surévalué, non seulement l'Allemagne peut exporter ses biens manufacturés hors Europe, forte de ses positionnements « produits » sur le marché mondial, mais encore elle gagne inexorablement des parts de marché dans le commerce intra-européen pour ses produits courants, puisque la concurrence a disparu du fait de la suppression de l'ajustement des changes. « Cet avantage compétitif structurel (et inéquitable) dont bénéficie l'Allemagne, conduit à la délocalisation progressive, hors zone euro, des industries qui faisaient la fierté de pays comme la France et l'Italie. »
L'aggravation des crises grecques et espagnoles peut être l'occasion de mettre un terme à cette construction de guingois : l'euro.
Vive le retour aux monnaies nationales dans une union douanière réaffirmée !
« Cette option est radicale, mais c'est probablement la plus sérieuse et la plus réaliste si l'on ne veut pas que l'Europe de demain ressemble au rêve allemand des années 1930 : une zone industrielle autour du Rhin s'étendant de Rotterdam aux Alpes bavaroises, et s'appuyant sur un Hinterland de sous-traitance à bas coût dans les pays de l'Est, débouchant à l'ouest et au sud sur des régions agricoles, ou aujourd'hui touristiques – une zone Med en somme -, dont les travailleurs se contenteraient d'un faible pouvoir d'achat. »
La seconde option est moins radicale, moins efficace.
Après avoir placé Mutti Merkel devant ce choix (abandon de l'euro ou sortie de l'Allemagne de l'euro / révision en profondeur des conditions de gestion de l'euro), l'Allemagne accepterait une modification du pacte de stabilité dans le sens de la souplesse, de même qu'une modification importante du mandat de la BCE (instaurer l'équilibre des objectifs entre croissance et emploi / stabilité des prix), tout en donnant beaucoup de temps (10 à 15 ans) aux pays pour résorber leurs déficits.
Dans la foulée, inspirée par le nouveau paradigme, Mutti Merkel déciderait des mesures de relance en Allemagne qui jouerait ainsi « le rôle contracyclique que la plus grande des économies européennes se doit de tenir, si elle est sincèrement attachée à la perspective d'une Europe solidaire. »
Dans ces conditions, tout en restant un instrument discutable et contestable, l'euro permettrait d'éviter le pire dans l'immédiat.
En conclusion, les auteurs nous assurent que faute d'un tel aggiornamento les niveaux de vie des Européens seraient sacrifiés au profit de la seule Allemagne.
Alexandre Anizy