François Lenglet a réussi sa guerre des empires - Chine vs Etats-Unis (IV)
(Suite des notes précédentes portant le même titre)
Le 17 janvier 1999, les colonels Qiao Liang et Wang Xiangsui publient à Pékin leur livre « la guerre hors limites ». Pour eux, rapporte François Lenglet, « l'expédition punitive menée contre Saddam Hussein par l'hyperpuissance américaine change radicalement l'équation stratégique de la Chine » (p.87). Du point de vue militaire, l'équipement de la Chine est en retard quantitativement et technologiquement ; du point de vue diplomatique, la Chine est isolée tandis que l'hyperpuissance jouit d'un crédit sans limite (la confirmation ne tardera pas avec les sornettes relatives aux Armes de Destruction Massives en Irak …). Par conséquent, « il faut donc trouver d'autres terrains pour s'exprimer, combattre et si possible vaincre. D'où la théorie de la guerre hors limites, qui se déploie par tous les moyens et sur tous les fronts, le militaire n'en étant qu'un parmi d'autres. » (p.88)
En décembre 2001, la Chine devient le 143ème membre de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) : son commerce international va exploser. Exemple : en 8 ans, les ventes aux Etats-Unis passent de 100 à 350 Milliards de dollars, aidées en cela par les firmes américaines elles-mêmes, comme la chaîne de supermarchés Walmart qui importe pour 20 Milliards de dollars ! Autre exemple : en 2003, la Chine a 9 ordinateurs classés parmi les 500 premiers superordinateurs du monde, son numéro 1 construit par Lenovo étant au 14ème rang ; le 31 mai 2010, selon l'université de Mannheim, l'ordinateur le plus puissant est chinois (Nébuleuse construit par la firme Dawning : puissance théorique de 3 pétaflops, soit 3 millions de Milliards d'opérations à la seconde), et le parc informatique est au 2ème rang, ce qui lui confère 9 % de la capacité de calcul mondial pour les superordinateurs.
Les pays développés ont élaboré le consensus de Washington, « quelques axiomes simplistes mis en œuvre dans les pays anglo-saxons et préconisés par le FMI [dirigé par le socialiste Dominique Strauss-Kahn l'ami du CAC 40, assisté du professeur Blanchard(us) si perdu dans ses modèles qu'il ne vit pas venir la crise ; ndAA] » (p.96) dont les cruciaux sont :
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privatisation de l'économie ;
la Chine concentre sa puissance industrielle dans un nombre réduit de groupes publics ;
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convertibilité de la monnaie sur le marché des changes ;
la Chine s'y oppose en l'état actuel de son rapport de force monétaire avec les États-Unis ;
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liberté des capitaux ;
la Chine contrôle strictement les entrées et sorties de capitaux ;
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abandon du contrôle du crédit par l'État ;
la Chine le maintient, ce qui explique l'efficacité du plan de relance chinois de 2009 : est-ce la raison pour laquelle certains économistes, adeptes de la théorie dominante, redécouvrent les mérites de ce systèmes qu'on appelait en France "l'encadrement du crédit" ?
Se plaçant dans le cadre d'une guerre hors limites, la Chine n'a pas dérogé à son modèle économique, d'autant plus qu'elle engrangeait chaque jour des dividendes, ce qui n'est pas le cas de l'Occident pris dans son ensemble.
Au niveau de la théorie économique, il semble donc qu'elle parvienne à convertir des Occidentaux ; nous le verrons aussi à un autre niveau dans de futures notes.
Dans la dernière décennie, la Chine est sur tous les fronts : règlement du différend commercial avec le Japon, réconciliation avec l'Inde, tournée annuelle en Afrique, dialogue avec l'ASEAN, etc. Toute cette activité diplomatique vise un objectif prioritaire : assurer l'approvisionnement en matières premières de l'entreprise Chine.
L'acte majeur est bien entendu la création de l'Organisation de Shangaï, qui regroupe la Chine, la Russie et 4 Républiques d'Asie Centrales, avec des États observateurs comme l'Inde et le Pakistan, avec une quinzaine de pays invités. Cette Organisation représente 20 % des réserves mondiales de pétrole, et la moitié de l'uranium.
Pour justifier ces manœuvres sur la scène internationale, la Chine avance le concept de l'émergence pacifique. (discours du président Hu Jintaoà la fin de 2003) « Faisant feu de tout bois, la propagande exhume de l'histoire chinoise un personnage oublié, l'amiral Zheng He, le premier explorateur maritime au monde. (…) a découvert et l'Australie et l'Afrique (…) Zheng et ses compagnons n'ont en effet ni pillé, ni tué, ni réduit en esclavage les populations indigènes (...) » (p.99-100) Qu'on se le dise !
« Selon certains historiens, il aurait même découvert l'Amérique dans les années 1420 – 1430 (...) » (p.99) Battu, le Christophe Colomb!
Si la Chine est arrogante, elle sait se contenir : elle ne revendique pas la découverte de l'Amérique par Zheng He. Du moins pas encore.
(à suivre)
Alexandre Anizy