L'économie vaut bien la médecine
Depuis la dernière affaire de santé (il s'agit d'un médicament), il nous semble que les Français ont grosso modo compris le business, comme ils disent. Au cas où ce ne serait pas encore évident pour tout le monde, voici les vérifications élémentaires qu'il convient de faire avant d'entamer la lecture d'une étude scientifique :
qui est l'auteur, quelles sont ses occupations professionnelles annexes ?
L'étude est publiée sous quelle "enseigne", et qui les finance ?
Rappelons que tout ceci n'est absolument pas une spécificité française.
Fin janvier, grâce à un rapport du COE-Rexecode, la presse écrite (y compris le quotidien vespéral de référence qui n'en est plus une), les radios, les journaux télévisés martelaient cette fable : la France a un coût du travail supérieur à celui de l'Allemagne.
Le COE-Rexecode étant une officine du patronat, rien de surprenant à ce que la conclusion de l'étude soient "raccord" avec les mantras de la patronne du MEDEF, l'héritière Laurence Parisot.
Après deux jours de matraquage médiatique, des voix discordantes ont commencé à avoir accès aux mêmes médias, mais le feu était moins nourri, comme disent les publicitaires goguenards.
Enfin, pour ceux qui suivent ces choses-là, une réponse circonstanciée paraissait dans le Monde économique du 15 février sous la plume de l'économiste Philippe Askenazy.
Voici en résumé le détail de la "préparation COE-Rexecode" : prenez les chiffres des comptes nationaux pour comparer la productivité des travailleurs français et allemands ; mais pour les salaires et les coûts du travail, utilisez une autre source, l'enquête 2008 européenne sur le coût du travail, qui nécessite « un bricolage pour estimer le nombre d'heures travaillées dans l'Hexagone », car, quand les comptes nationaux disent que les Français travaillent plus que les Allemands, l'enquête affirme quant à elle un écart contraire de 10 % ; après le choix judicieux du chiffre européen, l'arithmétique est incontestable !
« Voilà comment on peut manipuler l'opinion publique », écrit Askenazy.
C'est pourquoi nous écrivons que l'économie vaut la médecine.
Alexandre Anizy