L'économiste absent Liêm Hoang-Ngoc et la duperie de Hollande

Publié le par Alexandre Anizy

 

Parlons d'abord du livre de sieur Liêm Hoang-Ngoc, économiste de profession à l'université Paris I, sorti en novembre 2011 : Les théories économiques. Petit manuel hétérodoxe. (éditions La Dispute, 192 pages, 17 €). Comme c'est la promesse d'un manuel hétérodoxe qui nous y amena, disons de suite qu'elle n'est pas tenue. Pour autant, nous considérons que c'est un ouvrage sérieux et utile pour un étudiant de fin de 1er cycle qui voudrait échapper au gavage mainstream ¹,ou simplement pour un homme curieux, parce qu'il balaie plutôt bien le spectre des théories économiques en renvoyant aux sources dans les notes de bas de page. Il n'a que l'inconvénient de son avantage : la brièveté.

 

Tout au long de l'ouvrage, l'auteur présente correctement les théories (le faisant courtement, il réalise parfois un tour de force qu'il convient de saluer), et sans surcharger son propos de critiques systématiques (et pourtant nécessaires, ô combien !).

« En ce début de millénaire, les économistes néoclassiques représentent le courant de pensée dominant. Loin d'être homogène, il est néanmoins unifié par une vision commune des causes du chômage, de l'efficience des marchés, du rôle de la monnaie. Ses auteurs prônent de concert, malgré quelques nuances, une certaine orthodoxie budgétaire. » (p.61)

« La pensée économique dominante contemporaine ne forme pas un ensemble homogène. Elle est composée de courants mettant l'accent chacun sur des hypothèses particulières et ayant chacun leur objet de prédilection. Le débat macroéconomique est certainement le lieu de l'affrontement théorique le plus vif entre auteurs parlant le langage du "mainstream". » (p.99)

En effet, les spectateurs de Ce soir (ou jamais) seraient étonnés si on leur apprenait que, en dernière analyse, un Daniel Cohen pense comme un Pascal Salin.

Ce qui nous importe aujourd'hui, c'est ce que l'économiste Liêm Hoang-Ngoc note à propos des politiques d'austérité :

« Ces politiques de "consolidation budgétaire" [i.e. la réduction de la dette de l’État par une baisse des dépenses publiques afin de diminuer les impôts … ce qui devrait stimuler la dépense privée et par conséquent créer de la croissance ; dans quel délai se déroulerait cette séquence idyllique, cette promesse, cela reste un mystère... NdAA], actuellement à l’œuvre dans l'Union Européenne, font pourtant montre de leur incapacité à réduire les déficits publics et à relancer la croissance. » (p.116)

 

 

Laurent Mauduit est un journaliste sérieux : souvenons-nous de son livre sur Alain Minc, le parangon du CAC 40,

http://www.alexandreanizy.com/article-6418871.html

Dans un article du 17 novembre (Marianne), il feint de découvrir (nous lui accordons ce crédit) la duperie de Hollande :

« (…) progressivement, on comprend que la politique qui se met en place a une cohérence forte, s'inscrivant dans une philosophie économique qui a été à l'évidence mûrement réfléchie. Mais une philosophie qui n'avait pas été affichée pendant la campagne présidentielle. »

De quoi parle-t-il ? De la signature du traité Merkozy tel quel, avec ce ridicule addendum sans valeur juridique relatif à une promesse de croissance, mais qui fixe le cap prioritaire sur les fameux 3 % (qui ne seront pas respectés) ; de l'allègement des charges sociales patronales pour réduire le coût du travail, alors que cette mesure déjà appliquée depuis 20 ans n'a jamais créé d'emplois ; de la TVA sociale qui revient maquillée en rose pour faire peuple ; du pacte de compétitivité dont les 20 Milliards d'euros finiront dans les poches des actionnaires avides …

« (…) il suffit de lire les rapports en faveur du "choc de compétitivité" publiés en janvier par l'Institut de l'entreprise ou en mars par l'Institut Montaigne pour comprendre que le gouvernement a été puisé dans des rapports patronaux pour construire la charpente idéologique de sa réforme. »

Et ce n'est pas fini : des 60 Milliards d'euros d'économie à réaliser en 5 ans par une régression de l’État et de la protection sociale, par une nouvelle organisation territoriale.

Avec, nous vous l'annonçons dès maintenant, en cerise sur le cadeau aux patrons réactionnaires, la casse du code du travail pour flexibiliser le marché du travail, ce qui ne changera rien pour l'armée de réserve qu'on veillera à maintenir à un niveau élevé pour continuer à inoculer le venin de la peur du chômage, mais qui fera jouir de satisfaction l'héritière Parisot qui pourra rejoindre un placard doré.

C'est pourquoi nous vous annonçons aussi que Hollande se soumettra dans l'année qui vient aux nouvelles exigences de Mutti Merkel.

 

Pour notre part, nous n'avons jamais pensé que le culbuto molletiste Hollande pût agir autrement, compte tenu de son histoire personnelle, de sa formation HEC et ENA, de son inspiration idéologique (avoir pour mentor le social-traître Delorsest la garantie d'une soumission aux ploutocrates, avec en prime les pleurnicheries catho...) dès le début de sa carrière professionnelle. Nous sommes donc sans regret puisque :

Le jour du 6 mai dernier,

Nous étions sur l'oreiller :

Voter pour un même bonnet,

Faut être le dernier des niais.

(sur un air de Georges Brassens, évidemment)

 

 

Mais qu'en pense le député européen, le secrétaire national adjoint en charge de l'économie au "Parti socialiste", Liêm Hoang-Ngoc himself ? On ne sait pas. Convaincu en tant qu'expert que les politiques d'austérité en Europe n'ont rien résolu, Liêm Huang-Ngoc ferme sa gueule alors qu'il est sensé défendre les intérêts du peuple : peut-être souffre-t-il de schizophrénie, comme d'autres membres du "Parti radical cassoulet" ?

 

 

Alexandre Anizy

 

 

(¹) : expression qui fait florès chez les économistes, et qu'on peut traduire en l'espèce par … théorie dominante.